Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/440

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Boulaq des monumens figurés et des textes qui fourniront pendant bien des années encore un ample sujet de controverses et d’élucidations. Par ses recherches sur les tombes de Saqqarah, il fait revivre la société égyptienne, morte depuis quatre mille ans ; par ses magnifiques publications sur Denderah et sur Karnak, il pénètre les mystères de la religion de l’Égypte, « cette religion sans métaphysique et sans terreurs, » où le dieu Ammon, qui se doit sa propre existence, a peut-être inspiré la formule aristotélique de la pensée qui se pense elle-même, où la déesse Ator, personnification de l’harmonie générale du monde, semble l’aïeule de la famille des divinités gréco-romaines qui symbolisent les forces productives de la nature. Mariette-Bey, on peut le dire sans crainte d’être contredit même par les étrangers, est un véritable révélateur dont le nom, comme celui de Cuvier, restera attaché à l’histoire des grandes conquêtes de l’esprit humain.

Nous ne suivrons pas plus longtemps les orientalistes français dans l’exploration des antiquités asiatiques et africaines, car il faudrait tout un volume rien que pour présenter un résumé succinct des questions qu’ils ont traitées. Origines de l’écriture, sciences occultes chez les Chaldéens, organisme des langues indo-européennes, astronomie hindoue, explication de la table d’argile de Senkereh, qui est le plus ancien document mathématique parvenu jusqu’à nous, parallélisme des textes poétiques de l’Inde avec les récits des historiens, sectes hérétiques de l’islamisme, alphabets assyriens, babyloniens, carthaginois ; en un mot, tout ce qui touche aux mystères du monde oriental a été étudié par nos savans avec une sagacité qui semble s’aiguiser en raison même de l’inconnu, et l’on a pu dire justement qu’en pénétrant avec eux dans les profondeurs obscures de la vie de l’humanité on est pris de vertige.

La France, au XVIe siècle, a été l’initiatrice de la renaissance des études grecques, et l’on pourrait croire, après les nombreuses et vastes recherches dont la patrie d’Homère et d’Eschyle a été l’objet, qu’il ne reste rien à dire et à trouver. L’École d’Athènes, l’Association pour l’encouragement des études grecques[1], les professeurs de notre université, l’Académie des Inscriptions, ont prouvé le contraire. Nos hellénistes ne se sont point bornés à revoir d’anciens textes, à publier des textes nouveaux, ils ont embrassé l’ensemble des questions historiques, et suivi, dans ses ramifications diverses, l’expansion du génie grec à travers l’ancien monde. M. Egger, l’un des vétérans et l’un des maîtres de la vieille école française des Estienne et des Budé, MM. Émile Burnouf, Miller,.

  1. Le jeudi 4 de ce mois, l’Association a tenu à l’École des Beaux-Arts une séances publique, à laquelle assistaient un grand nombre de dames, ce qui est une sorte de consécration mondaine de bon augure pour la vulgarisation des études grecques.