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qu’un autre corps d’une trentaine de mille hommes s’échelonnait en même temps à la frontière méridionale du royaume, et en même temps le roi George recevait l’injonction de mettre à l’avenir toutes les forces militaires du Hanovre sous le commandement du roi Guillaume. Il refusa. La guerre lui fut aussitôt déclarée. Neuf jours après, l’avant-garde de l’armée hanovrienne rencontra l’ennemi et le culbuta. Il n’était pas tout à fait préparé. Aussi le général prussien proposa de traiter de la paix, à la condition que l’armée du Hanovre s’arrêterait et ne profiterait pas de son avantage. Un agent du roi George fut complice involontaire peut-être de cette ruse et accepta cette proposition à l’insu du monarque mal servi. Les Prussiens achevèrent tranquillement leurs préparatifs, et deux jours après ils firent savoir au roi de Hanovre qu’ils l’attaqueraient le lendemain. Le 27, ils s’avancèrent, s’attendant à un facile succès. Hs furent complètement battus; mais les renforts leur arrivaient de tous côtés. L’armée hanovrienne, composée de 15,000 soldats, se vit bientôt entourée par plus de 50,000 hommes. Il fallut capituler.

Cette leçon ne pouvait être perdue pour la Hollande, qui touche au Hanovre, devenu préfecture prussienne. Quinze jours avaient suffi pour confisquer une monarchie, supprimer un état, annexer violemment un peuple, dépouiller un roi de son héritage et le chasser. Peut-on s’étonner qu’en Hollande l’éventualité d’une annexion à la Prusse soit souvent envisagée dans les conversations particulières? Le succès brutal des faits produit un tel trouble dans les consciences, que, même dans un pays de patriotisme comme la Néerlande, cette éventualité ne soulève point d’explosion de haine. On en peut parler et en discuter la possibilité, même en public, sans exciter des protestations.

S’il est pourtant un peuple qui ait bien mérité son indépendance, c’est le peuple hollandais. Il a conquis son territoire sur la mer; il l’a pétri, asséché et fécondé, et par conséquent ce territoire est bien à lui; il a lutté pendant de longues années pour se délivrer du joug étranger. Après avoir secoué la domination espagnole, il a refoulé l’invasion répétée de nos armées. Aucune nation ne s’est montrée plus jalouse de ses droits, et les citoyens de ses turbulentes cités ne supportaient pas mieux les troupes de leur propre gouvernement que les garnisons étrangères. Arnheim, Venlo, Maëstrich, sans compter une multitude d’autres villes, étaient renommées pour leur turbulence et leurs émeutes continuelles. Nimègue avait adopté pour devise la célèbre phrase : melius est bellicosa libertas quam pacifica servitus. Bien souvent elle la justifia par ses révoltes : énergique contre ses ennemis, soupçonneuse à l’égard de ses défenseurs. Dépendrait-il d’un géographe de rayer tout ce passé d’un