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service qui leur incombe. Quand ils prirent rang dans la flotte danoise, on s’en félicita beaucoup à Londres, et les journaux de l’Angleterre, qui n’ont pas l’habitude de dissimuler leur pensée, dirent hautement que le voisinage de l’Allemagne faisait au Danemark une loi d’avoir une flotte capable de se défendre à un moment donné. Cette flotte, ajoutaient-ils, doit être composée de navires qui, sans coûter aussi cher que ceux de la Grande-Bretagne, puissent entrer en lutte avec les flottes ennemies, disperser leurs convois, mais surtout défendre les côtes et naviguer dans les basses eaux : dans le Sund, dans les Belts et dans les nombreux détroits et passages qui découpent le rivage.

L’avenir de la flotte danoise était ainsi tracé, et le gouvernement de Copenhague, partageant ces idées justes, prit le parti de dresser un plan de défense du Danemark, qu’il soumit aux représentans du pays dans la séance du 8 janvier 1873. Une partie de ce projet avait pour objet la réorganisation des forces de terre; l’autre était consacrée à la marine, et voici comment l’administration proposait de la constituer : Le Danemark, depuis la perte du Slesvig, est réduit, en terre ferme, au Jutland et aux îles de Fionie et de Seeland, pour ne parler ici que des fractions les plus importantes du territoire. La Fionie et la Seeland, placées entre le Jutland et la Suède, ne laissent passer entre elles que d’étroits canaux, qui sont le Petit-Belt, le Grand-Belt et le Sund. Le premier baigne les rives du Jutland et de la Fionie; le Grand-Belt sépare les deux îles et passe entre la Fionie et la Seeland; le Sund touche d’un côté à la Seeland et de l’autre au sol continental de la Suède. Cette disposition du territoire danois ne laissait pas d’incertitude dans les mesures à prendre pour assurer la défense du royaume, et traçait un cadre fort simple qui consistait à tenir les bâtimens dans ces passes étroites en les appuyant sur des canons à terre. Le ministre demandait donc l’autorisation de fortifier le Grand-Belt en établissant sur les deux côtes trois batteries; le Petit-Belt en y construisant un fort important, et enfin Seeland au moyen de cinq batteries. On suppose que l’armée prussienne, opérant son envahissement, entrerait en Danemark par le Slesvig et, parvenue dans le Jutland, chercherait à passer en Fionie et de là au Seeland en traversant les Belts. Il appartiendrait au Danemark de disperser les convois et d’empêcher les transports de vivres et de munitions par mer. Or l’établissement de batteries fixes serait insuffisant sans l’augmentation de la flotte. Le ministre proposait donc en même temps de la compléter par l’achèvement d’une nouvelle et puissante batterie flottante, Helgoland, et par la construction de deux autres bâtimens de même force et de même caractère. Ces propositions n’excluaient