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calculée, car pendant tout le combat elles se tinrent à l’écart. Leurs projectiles n’atteignirent pas l’escadre ennemie. On se demanda si l’artillerie prussienne n’était pas trop habile pour avoir commis involontairement une erreur si forte. Avait-elle pris un malin plaisir à laisser écraser le Schwartzemberg? Les Autrichiens n’auraient eu que ce qu’ils méritaient pour avoir commis la lourde faute de s’engager avec les Prussiens dans cette guerre, où ils gagnèrent plus de coups que d’honneur et de profit.

De deux choses l’une : ou les Prussiens se tinrent en dehors de l’action par une tactique politique qui pouvait être dans leurs instructions, ou leur savante artillerie fut troublée dans ses opérations par l’influence de la mer. Le Schwartzemberg paya cette défaillance calculée ou involontaire. Le capitaine danois, dans le rapport à son gouvernement, dit assez dédaigneusement ce qui suit : « Les canonnières prussiennes étaient alors, comme pendant tout l’engagement, à une distance très considérable, et leur feu resta par conséquent sans effet. » L’officier allemand déjà cité reconnaît que « les canonnières ne subirent pas le moindre dommage. » Le gouvernement autrichien se montra bon appréciateur du courage en récompensant cette défaite à l’égal d’une victoire. M. Tegethoff fut promu à la dignité d’amiral, et la suite prouva qu’on avait fait un très bon choix. On ne dit pas ce que le gouvernement prussien fit pour l’état-major de ses canonnières.

Aucun des navires engagés dans l’une ou l’autre escadre n’était cuirassé. C’étaient des bâtimens mixtes à hélice, faits pour marcher à la voile comme à la vapeur. Les moyens dont dispose la marine actuelle étant tout différens, il est sans intérêt d’examiner quels mouvemens, quelles manœuvres assurèrent aux Danois la supériorité. Nous trouverions peut-être dans cette étude la preuve qu’une flotte montée par des marins a toujours l’avantage à la mer sur une flotte montée par des soldats. Cette proposition sera, nous le croyons, démontrée dès les premiers combats qui seront livrés entre deux flottes cuirassées, quoique la construction de ces forteresses mobiles, qu’on conduit à la mer aujourd’hui sans mâture d’aucune espèce, ait rendu possible en apparence l’armement d’une flotte sans marins.

Au moment où le Danemark soutenait honorablement avec ses frégates à hélice le combat sous Helgoland, il pressentait déjà la transformation des mannes du monde entier en bâtimens blindés. Il avait été l’un des premiers à s’approprier l’innovation des États-Unis réalisée pendant la guerre de la sécession, celle des bâtimens entièrement couverts de fer pour l’attaque et la défense des places de guerre. Il avait fait construire à Glasgow, dans les ateliers de