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soufflent continuellement des vents furieux. Leurs eaux toujours soulevées, toujours écumantes, semblent donner l’assaut aux terres où elles pénètrent profondément et qui sont comme déchiquetées par les vagues. Partout où elles peuvent atteindre, elles entraînent l’argile et laissent à nu le squelette terrestre. Aussi les côtes septentrionales de la Scandinavie sont-elles généralement dépourvues de végétation au bord de la mer. Des rochers lavés et continuellement ruisselans offrent le triste aspect d’énormes cailloux plantés le long de la côte. L’eau creuse dans le rivage des canaux sinueux bordés par des murs de granit qui s’élèvent parfois à une hauteur de 2,000 pieds. Ces canaux innombrables, par lesquels la côte ferme est comme tailladée, s’étendent à une grande distance dans l’intérieur; on peut naviguer pendant des journées et des nuits sans atteindre le fond de ces entonnoirs. Le poisson y abonde, et les pêcheurs l’y suivent. Ils accrochent leurs rudes habitations dans les anfractuosités des rochers. Autour de ces cabanes, sur le sol aride constamment déchiré par le vent, ils chercheraient vainement à produire leur subsistance par la culture. La mer est leur ressource; aussi devient-elle leur véritable élément; ils y vivent et ils l’aiment. Ses colères n’ont rien qui les effraie, son aspect sombre rien qui les attriste. Ses mugissemens bercent leur sommeil, et, lancés sur la crête des vagues, ils les dominent comme on fait un cheval sauvage dans les plaines de l’Amérique du Sud. Les jours de repos, où la barque est tirée sur le sable, ils pêchent, assis au rebord de leur fenêtre, les pieds suspendus au-dessus de l’abîme. L’hôte qu’ils reçoivent ne trouve pas de pain sur leur table, mais surtout du saumon fumé. Ils sont la vraie race de ces hommes du nord qui partirent d’Alesund, au Xe siècle, sur des embarcations longues et étroites figurant des dragons, des lions, des taureaux à croupe recourbée. Poussés par le vent, qui secouait leurs étendards de soie blanche où le corbeau d’Odin brodé par les filles scandinaves étendait ses ailes, ils s’abattirent à l’embouchure de la Seine, et, s’y trouvant bien, ils se fixèrent dans le beau pays qui leur doit le nom de Normandie. Dès lors, on le voit, ils se montraient navigateurs intrépides, ils se jouaient avec la mer et ne craignaient pas d’affronter ces eaux avides de naufrages. Ce sont leurs descendans qui vont aujourd’hui chercher la baleine aux îles Lofoden, à quelques milles du Maelstrom, ce gouffre qui attire les navires et les engloutit d’ans son tourbillon.

Les quatre états de la Baltique et de la Mer du Nord qui nous occupent comprennent dans leurs limites autant d’eau que de terre. La Suède n’est pas moins que la Hollande baignée par des eaux intérieures : lacs, rivières et canaux. En Suède, les lacs bordent