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salon comme l’un de ceux où l’on cause encore, et si elle avait trop d’adorateurs, ce ne pouvait être que la faute de la nature, qui lui donnait la beauté et la séduction. En tout cas, si Mme Chandor avait eu une ou plusieurs liaisons, elle les cachait bien, car nul ne pouvait, en accolant un nom d’homme au sien, faire naître un sourire sur toutes les lèvres. Telle était la femme que Loïc avait tenu à recevoir une des premières, désirant sans doute que Norine se chargeât de bien disposer le monde où elle régnait en faveur de Mme de Bramafam.

On comprend que le marquis voulait amuser ses hôtes. Il se plaisait tellement dans ce milieu parisien et gai, après le triste mois qu’il venait de passer ! Aussi, cinq ou six jours plus tard, était-il déjà question d’organiser un bal. Les châteaux des environs devaient fournir autant de danseurs et de danseuses qu’il serait nécessaire, et ce bal serait donné la veille du retour à Paris.

On partit un matin pour une grande chasse à courre. Mme Prémontré, qui traversait ces gaîtés silencieuse et calme, avait préféré demeurer au château ; et comme Roberte manifestait la même intention, elle lui dit :

— Tu as tort ; à ton âge on a besoin d’exercice : cela te fera du bien.

Dès huit heures du matin, les chasseurs se réunirent sur le perron. Un grand landau devait emmener Roberte et Mme du Halloy. Emprisonnée dans une amazone noire d’une coupe irréprochable, Norine caressait de la main un magnifique cheval qui piaffait d’impatience :

— La marquise nous abandonne donc ? demanda-t-elle à Loïc en voyant Roberte assise dans le landau.

— Elle ne sait pas monter à cheval, répliqua le jeune homme. Loïc prit dans sa main le petit pied de Mme Chandor, qui se hissa légèrement ; il sauta à cheval à son tour, et tous deux se placèrent en tête de la cavalcade.

A onze heures du matin, les chasseurs étaient réunis autour d’un très beau dix-cors, excepté Loïc et Norine, qu’on avait perdus de vue depuis une demi-heure.

— Bah ! dit le général, ils se sont égarés sans doute, et ils seront allés rejoindre ces dames.

En effet, Roberte et Mme du Halloy étaient restées dans la voiture pour faire une promenade aux sources de la Seine.

Loïc et Norine s’étaient égarés, le général avait raison. Au moment où les piqueurs sonnaient le forcé, tous les deux, abusés par l’écho du bois, avaient poussé leurs chevaux dans la direction opposée.