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défaut à Saqqarah. Si l’on n’avait d’autres documens que ces bas-reliefs, on serait en droit de supposer dans cet âge d’or une ignorance absolue des armes et des choses de la guerre. Pourtant quelques inscriptions de Boulaq donnent des titres militaires et sur l’ancienne statue de Meydoun dont j’ai parlé, Râ-Hotep prend une qualification équivalente à celle de général. Le pharaon entretenait sans doute une force insignifiante pour garantir le territoire contre les incursions des Bédouins du désert et refouler les peuplades de la haute Afrique. Ce devait être un état heureux comparable à celui des États-Unis, il y a vingt ans, quand de faibles milices suffisaient à les protéger contre les tribus indiennes. — L’ancien empire, n’étant pas guerrier, est essentiellement agricole. C’est là sa supériorité insigne sur toutes les vieilles sociétés de l’Asie : à l’origine de ces dernières, nous ne trouvons que la lutte violente et le travail sous sa forme la plus négative, l’état pastoral : l’Egypte seule nous offre la culture paisible, intelligente, maîtresse des forces naturelles. Ses procédés sont ceux dont le fellah use encore de nos jours, dans ce pays où rien ne change : on sait que pour être différens des nôtres, ils n’en sont pas moins excellons et suggérés par les nécessités locales. Dès cette époque, le cultivateur memphite se sert adroitement de son fleuve; il développe un vaste système de canaux : des flottilles de barques les couvrent, portant les récoltes à la ville; comme sur la dahabieh actuelle, le réis gouverne à l’arrière; à l’avant un chanteur excite les rameurs en psalmodiant, sur une cadence monotone, ces appels que j’ai tant de fois entendus, la nuit, glisser sur le Nil assoupi. — Tous les travaux de la terre sont représentés dans nos tableaux : tantôt le propriétaire se promène au milieu de ses champs, appuyé sur le bâton, signe de commandement, que porte la statue de bois du musée ; il assiste aux semailles, à la moisson. Tantôt, assis au milieu de ses richesses, il regarde défiler la longue théorie de ses fermiers lui apportant les fruits de la terre, les animaux domestiques, les produits des pêcheries, qu’enregistre un scribe. Les métiers ont leur place dans ces scènes; on voit travailler les tisserands, les charpentiers, les tailleurs de pierres, les boulangers, les bouchers, auxquels la légende hiéroglyphique prête de facétieux lazzis durant l’abatage d’un bœuf. Nous pouvons constater l’existence de plus hautes industries dans les mines d’or et de turquoises du Sinaï, exploitées dès la VIe dynastie. Les arts industriels avaient acquis un grand développement : l’accumulation des âges et des causes de destruction n’a pas permis à leurs produits d’arriver jusqu’à nous, mais il est raisonnable d’en reporter l’honneur à l’ancien empire, puisque nous trouvons durant le grand cataclysme des Hycsos, à cette