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respect. Écoutez l’épitaphe de ce fonctionnaire de la Ve dynastie qui, en se couchant à Saqqarah il y a cinquante-cinq siècles, faisait graver sur son tombeau ce que chacun de nous serait encore fier de pouvoir mettre sur le sien : Ayant vu les choses, je suis sorti de ce monde, où j’ai dit la vérité, où J’ai fait la justice. Soyez bons pour moi, vous qui viendrez après, rendez témoignage à votre ancêtre. A côté de ce testament de Romain, quoi de plus mélancolique que cette autre épitaphe de femme, empruntée au rituel : Je pleure après la brise, au bord du courant du Nil, qui rafraîchissait mon chagrin. Y a-t-il plus doux murmure de morte sur les tombes de Grèce ou de Sicile? Ce même rituel fournit à un autre cette prière dans les angoisses du sépulcre : O cœur, cœur qui me viens de ma mère, mon cœur de quand j’étais sur terre, ne te dresse pas comme témoin, ne me charge pas devant Dieu le grand: invocation exquise d’une âme droite qui savait que ses fautes n’avaient pu venir que du cœur. Dans les Instructions de Ptah-Hotep, traduites en allemand par le docteur Lauth, je relève quelques préceptes; on reconnaîtra la parenté de la forme et du fond avec les livres bibliques de la Sagesse ou des Proverbes. L’auteur est au déclin de ses jours, il a « vécu cent dix ans dans la faveur royale, » et parle tristement de sa décrépitude :


« Osiris, mon seigneur, vieillir est un mal extrême, une grande malédiction : c’est redevenir enfant. Le vieillard se couche, il souffre. Ses yeux le trahissent, ses oreilles s’affaiblissent, sa force périt, sa bouche ne prononce plus, la parole lui manque, son cœur s’endurcit, ses jointures travaillent : il ne se souvient plus d’hier. La vieillesse fait un homme malheureux à tous égards. »


Que fera donc le vieillard de ses jours inutiles?


« Le Dieu de majesté a dit : — Apprends à ton fils les paroles anciennes. — Et lui dit à son fils : — Ne t’enorgueillis pas dans ton cœur de ta science; consulte l’ignorant comme le savant. Estime la bonne parole plus que l’émeraude qu’on trouve parmi les gemmes au bras des servantes. — Un mouvement de charité vaut plus que les sacrifices : ton corps est de plus haut prix que ton vêtement. »


Puis ce sont des conseils pour toutes les conditions où les hasards de la vie peuvent mettre un homme, et surtout un parfait manuel du bon courtisan.


« Les tentations violentes de faire ce qui te passe dans l’esprit, réprime-les