fixé dans ses règles essentielles, telles qu’elles se perpétueront durant quatre ou cinq mille ans, supérieur d’emblée à tout ce qu’il produira dans la suite.
Supériorité relative d’ailleurs. Après avoir loué comme il convient cette vieille école égyptienne, il en faut dire la secrète faiblesse et en tirer pour nous une leçon. Elle est essentiellement et franchement réaliste, au sens où nous prenons le mot aujourd’hui. Dans la reproduction de l’homme, au travers des entraves du formulaire, dans celle plus libre des animaux, son seul but est l’équivalence exacte des réalités; elle pousse à la dernière limite les qualités d’observation, celles de l’imagination lui manquent. La race chamitique n’a jamais eu la notion de l’idéal, telle que l’ont comprise les Grecs et à leur suite le monde civilisé; dans ses œuvres les plus achevées, on retrouve la copie scrupuleuse de la nature : on y chercherait vainement l’âme et l’individualité de l’artiste. On a même pu refuser sans trop d’injustice le nom d’art à cette tradition qui en arrive à ne plus chercher que des signes d’idées, comme ceux des hiéroglyphes dans la représentation des choses; l’ouvrier de l’ancien empire ne considère déjà plus la personne humaine que comme un instrument destiné à traduire l’action qu’il veut figurer, sans se préoccuper des sentimens que peut éveiller chez elle cette action : son tableau est purement descriptif, objectif, diraient nos voisins d’outre-Rhin. — Là est le secret de sa profonde infériorité, de l’indifférence où il nous laisse. Cette infériorité est surtout sensible, si l’on rencontre parmi les maîtresses œuvres de l’art égyptien la plus médiocre production de l’art grec; comme son charme nous gagne, comme elle répond mieux à nos exigences innées! Le visiteur que ne passionnent pas les questions scientifiques revient rarement deux fois au musée de Boulaq; si tout y est curieux, rien n’y est beau au sens idéal du mot. Pour ma part, je n’en suis jamais sorti sans me dire qu’il contenait la plus écrasante condamnation des écoles nouvelles qui voudraient donner à l’art le réalisme pour seule fin. Les inimitables copistes de l’ancien empire, dans celles de leurs œuvres qui échappent aux étroites observances du rite égyptien, ont poussé la justesse du coup d’œil aussi loin que les plus savans de notre temps; ces œuvres nous étonnent sans nous attirer, et au sentiment spécial qu’elles inspirent on peut deviner le désappointement qui nous attendrait dans nos musées le jour où l’art vu y détrônerait l’art pensé et rêvé; on dirait, comme au sortir de Boulaq : Ils sont bien forts! Nul ne s’écrierait plus : Ils sont bien grands!
Heureusement ceux-ci sont avant tout bien vieux, et à défaut d’autre intérêt, l’obsession persistante de cette prestigieuse antiquité suffirait à nous ramener parmi eux. Le temps, qui sacre toute