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connaisse de sculpture égyptienne. On a vu également à Paris ce merveilleux personnage de bois de l’ancien empire, si vivant et si parlant que le cri des Arabes qui le découvrirent l’a baptisé : ils l’appelèrent le Cheikh-el-Beled, à cause de sa ressemblance frappante avec le cheikh actuel de leur village. On n’a pas encore pu admirer chez nous les deux plus étonnans morceaux de la collection, cet homme et cette femme, en calcaire, trouvés à Meydoun et contemporains du roi Snéfrou de la IIIe dynastie. En voyant l’éclat et la fraîcheur des couleurs, la perfection des yeux artificiels en quartz qui ornent ces deux figures, la vivacité des hiéroglyphes s’enlevant en noir sur la blancheur éclatante du calcaire lithographique, beaucoup de visiteurs se refusent obstinément à croire que les images de Râ-Hotep et de sa femme Nefert n’aient pas été retouchées. Telles pourtant M. Mariette les a trouvées, après six mille ans de sépulture. A côté de ces morceaux célèbres, que d’autres habitans de Boulaq, de plus humble condition, voudraient une mention spéciale! Je ne m’y arrête pas, pour dégager plus vite les caractères généraux qu’ils présentent.

Ce sont pour la plupart de beaux hommes, vigoureux, aux jambes fortes, aux larges épaules, aux pectoraux développés, vêtus seulement de la schenti bouffant autour des reins : les uns dans le mouvement de la marche, la jambe droite en avant, les bras pendans, les autres assis, les mains sur leurs genoux, quelques-uns agenouillés dans la posture de l’offrande. Les visages se rattachent à deux types bien distincts : tandis que les figures si nombreuses de la Ve et de la VIe dynastie offrent une face ronde, un front et un nez légèrement déprimés, et reproduisent fidèlement les traits du fellah actuel, les statues antérieures de Meydoun, les bas-reliefs sur panneaux de bois d’un des plus anciens tombeaux de Saqqarah accusent un type plus noble et plus ferme, de famille européenne; le nez droit, les pommettes osseuses, le crâne allongé, le front haut, le cou long. Il y a là les données encore bien vagues d’un problème ethnographique dont la science commence à se préoccuper vivement.

On peut d’autant mieux se fier aux indications historiques de nos statues que toutes sont visiblement des portraits. Le hiératisme, qui montera plus tard des membres à la tête, comme ces paralysies qui gagnent insensiblement le cerveau, n’a pas encore immobilisé les faces : elles sont parlantes. Le corps lui-même, soumis déjà aux poses conventionnelles du canon égyptien, n’y est pas emprisonné. Sous l’uniforme de rigueur, qui pourrait faire confondre à première vue les statues de l’ancien empire avec celles du siècle de Rhamsès ou de l’époque saïte, on apprend vite à distinguer les premières, grâce à ce