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DE
YEDDO A PARIS
NOTES D'UN PASSANT.[1].

III.
BATAVIA. — SAMARANG. — DJOKDJOKERTA.


VII.

15-16 avril 1876. — Les navigations les plus charmantes pour le passager ne sont pas toujours les plus goûtées du marin. A voir l’Emirne filer régulièrement ses dix nœuds, par une mer calme comme on la rencontre toujours sous la ligne, longeant des îles de verdure qui se multiplient sur la route, jetant sa fumée aux forêts de Sumatra qu’on aperçoit de loin, saluant les navires hollandais qu’elle dépasse, presque tout le temps à portée de canon de la terre, on croirait volontiers que le puissant navire est à l’abri de tout danger. Il n’est pas cependant de traversée plus délicate et, suivant l’expression pittoresque du capitaine, « plus soucieuse. » Mieux vaudraient les rafales de l’Atlantique que cette surface calme et traîtresse qui cache, à quelques brasses sous l’eau, des récifs de coraux et des bancs de sable sur lesquels la moindre erreur de route peut jeter le paquebot. Un voilier entraîné par le courant, un vapeur paralysé par une avarie de machine, surtout lorsqu’ils calent beaucoup, peuvent être jetés à l’improviste sur des écueils où ils se perdent

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1876 et du 1er janvier 1877.