Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est, pour les ceps traités par rapport aux ceps témoins, dans la proportion de 2 et même 3 à 1. Malheureusement cette amélioration notable laisse encore sur les racines des légions du parasite et place la vigne dans la position d’un convalescent qui reprend des forces sous l’influence d’une alimentation très riche, mais qui reste sous le coup de rechutes dangereuses. Des faits analogues se sont produits sur les taches circonscrites de Mancey (Saône-et-Loire). Sous l’action de doses énormes de sulfocarbonates alcalins (800 à 810 kilogrammes par hectare, dilués dans 310 mètres d’eau), la vigne atteinte a conservé toute sa vigueur, mais des essaims d’insectes ailés, sortis dès le 25 juillet 1876, sont allés sur les vignobles voisins porter sans doute les germes de nouvelles invasions. Au domaine de Launac, près de Montpellier, M. Henri Mares contient le mal par l’emploi de sulfocarbonates alcalins imprégnant des marcs de soude. Chez M. Rousselier, d’Aimargues (Gard), l’application de doses fractionnées et répétées de sulfocarbonate alcalin aurait produit des effets très remarquables de régénération de vignes. M. Jaubert en annonce d’analogues dans la région de Gréoux et de Manosque (Basses-Alpes). Le plus affirmatif, j’allais dire le plus enthousiaste de ces expérimentateurs, est M. Gueyraud, qui, dans cette même région, dit avoir opéré, du mois d’avril au mois d’août 1876, la résurrection de ceps dont le pivot seul était vivant. Le fait est possible, et l’on ne prétend pas le nier; mais il serait prudent peut-être de ne pas en tirer trop vite des conclusions absolues, et surtout de ne pas invoquer les pouvoirs publics pour imposer d’office à la France entière l’emploi forcé des sulfocarbonates, en réagissant, ajoute l’auteur, contre le fléau des vignes américaines. Ayons du zèle et de la foi pour ce que nous croyons être juste, mais de grâce ne mêlons pas à la propagande de nos idées l’anathème contre les idées des autres; la tolérance y gagnera et la justice également.

En résumé, cette question des sulfocarbonates alcalins (car je passe, pour ne pas être trop long, ceux de sodium et de barium, dont le prix est moins élevé, mais qui ne sont qu’insecticides), cette question encore à l’étude est entrée dans la voie des espérances très sérieuses, mais non dans la phase où la pratique n’a plus qu’à réaliser en grand les résultats certains des expérimentations scientifiques. Accueillons avec sympathie tout progrès d’application qui fait entrevoir un succès final, remercions la compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée d’avoir généreusement et largement subventionné les expériences faites dans cette direction, enregistrons avec bonheur les succès, même partiels, mais gardons-nous des enthousiasmes prématurés, et souvenons-nous que la réussite arrivée au degré de l’évidence est auprès du grand public la meilleure et la plus sûre des propagandes d’une idée juste.