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comme pouvant en certains cas faire revenir à des récoltes moyennes, sinon complètes, des vignes très fortement attaquées. L’exemple de cette demi-résurrection chez quelques hectares de vignes du domaine dit Plan de Dieu, près d’Orange, est invoqué à l’appui de ce système; mais l’argument paraîtra faible si l’on songe au rapide rabougrissement qui saisit les vignobles, même sains, dès que par négligence ou par calcul on les abandonne à l’inculture. Qui n’a vu des vignes dans cet état prendre la forme buissonneuse, pousser de maigres sarmens et revêtir l’aspect misérable de vieux avortons? Si, par exception, des ceps isolés ou rangés en ligne conservent longtemps une sorte de vigueur tandis que les plantations en masse s’affaiblissent, il ne faut pas en chercher la cause en dehors du fait que leurs racines, comme celles des ceps en bordure, ont pour elles seules plus de nourriture que des ceps soumis à la concurrence vitale dans un espace limité. Ce sont donc là des cas exceptionnels et sur lesquels il faudrait bien se garder de baser une méthode générale de non culture. Il est vrai que l’auteur cité propose concurremment à ce système le recépage entre deux terres des vignes phylloxérées; mais si cette amputation doit rétablir pour quelque temps l’équilibre entre les racines et les rameaux, on ne peut guère y compter pour le rétablissement permanent de ceps sérieusement compromis.

Un procédé mécanique par excellence est celui de l’ensablement du sol, proposé dans Vaucluse par M. de la Paillonne, exécuté en grand et dans la Camargue par M. Espitalier; ce moyen a donné, partout où l’application en est possible, des résultats très positifs. C’est un fait d’observation des mieux établis, que les terres fortes qui se fendillent par le retrait sont les plus favorables au développement du phylloxéra et les plus fatales à la vigne qu’elles sembleraient devoir soutenir. Au contraire, les terres légères, friables, finement sablonneuses, ne se fendillant jamais par la chaleur, ne permettent au phylloxéra qu’une progression plus lente et partant une extension moins rapide, en même temps qu’une multiplication plus restreinte sur les racines dont il occupe le chevelu. Rien de plus frappant à cet égard que le contraste entre les terres proverbialement fertiles des alluvions de Bidourle et les sables mouvans des anciennes dunes d’Aiguesmortes. Dans les premières, la vigne a disparu en deux ou trois ans; dans les secondes elle est encore luxuriante et forme oasis dans ces régions presque désertiques. La cause de ces différences est-elle purement mécanique et tient-elle uniquement à la difficulté matérielle opposée à la marche de l’insecte? C’est l’explication qui semble la plus naturelle, mais je me suis demandé parfois si la présence du sable ne permet pas la formation