Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en bloc. Faisons entrevoir au bout de ces luttes, trop actuelles pour ne pas être passionnées, cet horizon plus calme où l’éclectisme ouvre aux vérités triomphantes un terrain de conciliation. Là, comme partout dans le domaine des faits pratiques, l’expérience et le temps sont à la fois des juges intègres et des pacificateurs ; mais, en attendant ce jugement de l’avenir, passons en revue les discussions actuelles, et pour cela considérons successivement les traitemens dits culturaux, les traitemens insecticides, la combinaison des insecticides et des engrais, enfin la reconstitution des vignobles au moyen de cépages, étrangers ou indigènes, plus ou moins réfractaires au phylloxéra. Ce dernier sujet se rattacherait naturellement au chapitre des traitemens culturaux ; mais, comme un préjugé très répandu ne veut voir dans ce moyen de salut qu’un pis-aller et qu’une ressource extrême, il sera mieux peut-être d’épuiser la série des autres moyens et d’en constater pour bien des cas l’impossibilité pratique, afin de mieux justifier l’accueil favorable que les départemens du midi et de l’ouest semblent faire dès ce jour à ces vignes si dédaignées par le centre et le nord de la France.

Sous le nom de systèmes culturaux, nous comprendrons tous les moyens de traitement qui prétendent sauver et faire prospérer la vigne sans se préoccuper de son parasite. Les uns partent de l’opinion préconçue que la vigne est naturellement malade, soit par dégénérescence, soit par l’effet d’une culture irrationnelle. Pour d’aucuns, le mal résiderait tout entier dans la répétition trop prolongée de la taille à court bois ou de la taille intempestive. C’est dans la classe des chimères qu’il faut reléguer cette idée, et pas n’est besoin de la réfuter autrement que par un argument de sens commun, savoir que les procédés de taille restant les mêmes, la vigne ne souffre que dès qu’elle est dans la sphère d’attaque du phylloxéra. Ceci ne convaincra pas, nous le savons, les rêveurs obstinés qui se placent en dehors des faits ; mais l’essentiel n’est pas de convertir des sectaires, c’est de les empêcher d’induire les simples en erreur.

Une opinion soutenable dans une certaine mesure, c’est que la disposition en hautains, en treilles, en un mot la forme arbustive et grimpante est favorable à la vigueur et à la résistance de la vigne. On a pensé même que la lambrusque ou vigne sauvage échappait absolument à l’action destructive du phylloxéra, soit en raison de sa nature plus rustique, soit à cause du plus grand développement de son système radiculaire, que l’on suppose être en rapport avec la luxuriance des pampres ; mais les observations de M. C. Saintpierre ont démontré que la lambrusque elle-même n’échappait