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celle du phylloxéra se trouvent justement sur les racines de conifères essentiellement résineuses. D’ailleurs à quoi bon entasser des argumens contre une idée qui ne repose sur rien? Il me suffira de dire que le chanvre cultivé dans les vignes n’empêche pas les racines de l’arbuste d’être farcies de pucerons pleins de vie et nullement disposés à déserter le terrain.

Par un raisonnement inverse, d’autres ont pensé que des plantes cultivées entre les vignes auraient la vertu d’attirer le phylloxéra sur leurs racines. Le maïs rouge, par exemple, aurait joué clairement ce rôle de para-phylloxéra. L’erreur, on oserait dire la bévue, vient ici de ce que les racines du maïs nourrissent un aphidien bien connu, le Tychea trivialis de Passerini, que des agriculteurs ont pris à tort pour le phylloxéra lui-même. On est peu surpris de cette confusion de la part d’hommes étrangers aux observations délicates : ce qui surprend, c’est de voir des recueils scientifiques accueillir avec faveur une idée aussi contraire à toutes les données de l’observation.

On pourrait pousser plus avant cette chronique des préjugés et des ignorances populaires, sur un sujet que tout le monde se croit le droit de traiter de loin, à coup de raisonnemens, et le plus souvent sans connaître même l’objet du litige. Dans le déluge de procédés qu’a suscités le mirage du prix de 300,000 fr., la part la plus large est à ceux qui confondent le phylloxéra et l’oïdium, ou qui n’ont jamais vu l’un ou l’autre de ces parasites. Le dépouillement de ce dossier de sottises jette un triste jour sur l’état d’esprit du grand public en fait d’instruction scientifique. Les rêveries creuses nous arrivent de tous les rangs sociaux et de tous les coins de l’Europe. Les mieux recommandés au ministère de l’agriculture sont en général les plus ignorans; les plus tenaces sont les illuminés de tout ordre qui tiennent leur idée ou plutôt que leur idée obsède et mène aux confins de la folie. Heureusement, à mesure que l’observation et l’expérience serrent de plus près ce problème, les rêveurs passent à l’arrière-plan, les discussions oiseuses font place à l’étude des faits, la recherche utile se concentre sur les points encore obscurs, laissant en pleine lumière ceux que la science admet comme suffisamment élucidés. Profitons nous-mêmes de cette direction meilleure donnée à la discussion, et mettons en relief dans une revue rapide les systèmes de traitement qui, sans prétendre à la perfection absolue, ont droit de fixer l’attention des esprits éclairés et sérieux. Au lieu d’exagérer comme à plaisir l’antagonisme de ces systèmes, demandons à chacun d’eux la part de vérité qu’il renferme, montrons que les conditions locales peuvent faire préférer tel d’entre eux sans que les autres soient pour cela condamnés