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d’agriculture de l’Hérault, à Mauguio par un comité local dont nous avions provoqué la formation. L’arrachage et brûlis, sur ce dernier point, avaient porté sur 860 ceps et coûté, indemnité comprise, 903 francs. Ces procédés, imparfaits sans doute, non-seulement ne supprimèrent pas le mal dans le rayon des communes intéressées, mais laissèrent naturellement l’entrée libre à l’immense armée d’envahisseurs qui, partie de Vaucluse vers 1868, de Redessan, dans le Gard, en 1869, arrivée en 1870 en corps isolés dans le département de l’Hérault, s’est rendue maîtresse en cinq ans de tout l’arrondissement de Montpellier, en poussant des pointes offensives dans les arrondissemens de Lodève et de Béziers. Les dates citées regardent la phase patente du mal et non la phase préparatoire et latente, dont la durée est difficile à apprécier. Le fait saillant dans cette marche est la direction constante de l’est à l’ouest, direction inverse de celle qu’on observe dans le Bordelais, où le vent dominant entraîne sans doute de l’ouest à l’est les essaims dévastateurs. Un autre fait, c’est la prodigieuse intensité de la maladie dans la région brûlante et sèche de notre midi méditerranéen. En moins de trois ans, de 1871 à 1874, d’immenses vides se sont faits dans ces plaines de Marsillargues et de Lunel, où les plus riches terres d’alluvion nourrissaient des vignes d’une luxuriance inouïe : ailleurs, dans les argiles lacustres, de vastes vignobles succombaient en deux années. Aujourd’hui l’œil du voyageur, qui de Tarascon à Montpellier se reposait en été sur une nappe ininterrompue de pampres verts, ne trouve plus après la moisson que les restes arides des chaumes. La céréale, qui fait à peine vivre le laboureur, a reconquis pour quelques années le terrain où les vignerons récoltaient l’or dans les flots de vin.

Ce tableau si triste n’est pas introduit ici comme une œuvre de fantaisie; il a sa valeur pratique comme indice des difficultés particulières qu’éprouvent, sous un climat chaud, des tentatives de traitement, même partiel, au moyen des insecticides. Sans doute il ne faudrait pas attribuer au climat tout seul une influence prépondérante sur l’intensité et la rapidité de la maladie; le sol y joue aussi un rôle considérable, comme aussi peut-être la puissance et la direction des vents. Mais de l’ensemble des observations faites en Bourgogne, en Suisse, en Allemagne, et plus récemment dans l’Orléanais et l’Alsace, il semble se dégager une conclusion relativement rassurante et qui justifie jusqu’à présent les espérances optimistes d’un très excellent viticulteur bourguignon, M. le vicomte de la Loyère. C’est que dans ces contrées à longs hivers, à étés pluvieux, la maladie, loin d’avoir le caractère foudroyant, marche et se propage avec une remarquable lenteur. Près d’Orléans, par