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Russie, à lui révéler daas tous les cas les dilîicuUés d’une entreprise de guerre poussée en Turquie, et la grave maladie qui est venue atteindre subitement le général en chef de l’armée, le grand-duc Nicolas, n’est pas propre à simplifier la situation.

Pas plus que le vieux monde de l’Europe et de l’Orient, le nouveau monde américain n’est à l’abri des troubles et des crises. L’année ne fiait pas non plus gaîment au-delà de l’Atlantique. Nous ne parlons pas de la nouvelle révolution mexicaine. Il y a toujours quelque révolution au Mexique, quand il n’y en a pas plusieurs, quand ce n’est pas comme en ce moment où le président Lerdo de Tejada a été mis en fuite et où le général Porfirio Diaz, à la tête de forces insurrectionnelles, est entré à Mexico pour s’emparer du gouvernement, pendant qu’un troisième chef, président de la cour suprême, est allé lever son drapeau ailleurs. L’un a une armée et la capitale avec les états qui l’ont suivi dans l’insurrection, l’autre a les états du Nord qui reconnaissent encore son autorité ; Porfirio Diaz, après avoir battu et renversé Lerdo de Tejada, qui a disparu, va-t-il avoir raison de son autre compétiteur, Iglesias, qui semble vouloir lui tenir tête ? où est le gouvernement ? C’est un chapitre de plus dans l’histoire des guerres civiles mexicaines, un accident qui n’a rien de nouveau dans cette partie du monde américain ; mais un événement bien autrement sérieux, passablement étrange, est ce qui se passe dans la plus ancienne, la plus grande et la plus puissante des républiques du nouveau monde, aux États-Unis, à propos de l’élection présidentielle. Ici tout est différent sans doute. Le pouvoir suprême n’est point à la merci des insurrections, des révolutions par les armes ; la conquête de l’autorité exécutive est livrée aux passions, aux ruses, aux violences frauduleuses des partis engagés depuis quelques mois dans la plus singulière des luttes, dans un colossal imbroglio qui s’obscurcit de plus en plus et qui avant la fin pourrait bien devenir une crise redoutable dans un pays moins accoutumé à ces conflits tumultueux.

C’est dans quelques semaines, au mois de mars prochain en effet, que le général Grant va quitter la Maison-Blanche, où il siège depuis huit ans. Il prend déjà ses dispositions de retraite, et il vient d’adresser au congrès, récemment réuni à Washington, un message qui est une sorte de testament, où il parle de son administration, de sa double présidence, avec une modestie un peu brusque, qui n’est pas dénuée de fierté. Le général Grant, tout en avouant les fautes qu’il a pu commettre, en donne une explication qui ne laisse pas d’être instructive pour tout le monde, pour les républicains de tous les pays, qui ont la fureur de demander aux gouvernemens des révolutions administratives. Il rejette une partie de ces fautes sur l’obligation d’accepter « des agens qu’il a dû presque toujours choisir sans les connaître, et sur la recommandation des représentans élus directement par le peuple. » Il est certain que le général Grant, comme il l’avoue presque naïvement,