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moins intéressé, et certainement M. le président du conseil n’a fait qu’exprimer sa pensée la plus intime en lui prêtant ce langage : « Ne m’agitez plus, n’ajoutez pas une crise à une autre crise, ne créez pas d’opposition entre les pouvoirs publics ; nous avons besoin de vivre, nous avons besoin de respirer, de travailler… » M. Jules Simon a vaincu cette fois, moins encore par le vote que par la raison persuasive et pénétrante. Il a contribué, lui aussi, plus que tout autre assurément, à chasser le fantôme, à dissiper les nuages qui planaient sur cette fin d’année, et à préparer par une trêve, ne fût-ce que par une trêve de quelques jours, le paisible avènement d’une année nouvelle où l’œuvre ne sera pas sans doute moins laborieuse pour tous. Ces années qui se succèdent, depuis longtemps, depuis 1870 surtout, nous ne sommes pas accoutumés à les fêter comme des messagères des grandes espérances ; les partis et ceux qui les mènent ou qui ont la prétention de les mener seraient cependant bien oublieux, si à chacune de ces étapes nouvelles et aujourd’hui peut-être plus que jamais, ils ne sentaient qu’ils doivent à la France l’oubli de leurs divisions, de leurs passions, de leurs rancunes, de leurs préjugés et de leurs haines, s’ils ne comprenaient enfin que la paix intérieure est la première condition du rétablissement de notre pays.

La paix sera-t-elle aussi pour l’Europe toute entière, pour l’Orient, le bienfait, le premier gage de cette année nouvelle ? Assurément de toutes parts d’habiles gens y travaillent à Constantinople et sans doute aussi dans toutes les cours, également intéressées à ne pas se laisser déchaîner les événemens, à résoudre pour le mieux, dans la mesure du possible, cette obscure et inextricable question orientale. Ce qu’il y a de meilleur augure jusqu’à ce moment, c’est que, s’il n’y a point un pas décisif vers la paix, il n’y a pas non plus une aggravation des complications nouvelles conduisant inévitablement, parle plus court chemin, à la guerre. Jusqu’ici les négociations continuent sans paraître se heurter contre des difficultés absolument insurmontables. La conférence de Constantinople a eu d’abord des réunions préparatoires où les représentans de l’Europe se sont seuls rencontrés, qui peuvent être considérées comme le préliminaire de la négociation générale et décisive. La diplomatie européenne a élaboré en commun ses combinaisons, elle a fait son programme ; maintenant c’est le tour de la conférence plénière où la question va être tranchée, où la Turquie a été admise, et, dès la première réunion de cette conférence plénière, le ministre des affaires étrangères turc paraît s’être donné la satisfaction d’un petit coup de théâtre en annonçant aux plénipotentiaires européens la promulgation définitive d’une constitution saluée en ce moment même par les salves retentissantes du canon.

Oui, en vérité, le régime constitutionnel, parlementaire, libéral en Turquie ! Notre siècle a vu bien des choses prodigieuses, il était destiné à voir un parlement à Constantinople ! L’événement a été précédé