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DEUX
SÉANCES DE RÉCEPTION
A L’ACADEMIE FRANÇAISE

Tout change, même les lois de l’éloquence académique, qui de toutes les lois humaines sont les plus constantes et les plus fixes. Il y a quelques jours, le directeur de l’Académie française disait à M. Boissier : — « Vous savez, monsieur, quel fut le premier nom des discours académiques. Le récipiendaire adressait à l’Académie un compliment; le directeur lui répondait par un autre compliment, de façon que tout se passait en complimens. » On se souvient de l’Anglais qui demandait à Voltaire où il pourrait trouver les mémoires de l’Académie française. — Elle n’écrit point de mémoires, lui répondit Voltaire, mais elle a fait imprimer 60 ou 80 volumes de complimens. — L’Anglais en parcourut un ou deux. — Tout ce que j’entrevois, dit-il, dans ces beaux discours, c’est que, le récipiendaire ayant assuré que son prédécesseur était un grand homme, que le cardinal de Richelieu était un très grand homme, le chancelier Séguier un assez grand homme, le directeur lui répond la même chose et ajoute que le récipiendaire pourrait aussi être une espèce de grand homme et que pour lui, directeur, il n’en quitte pas sa part.— Un peu auparavant, le président de Mesmes avait comparé les harangues académiques à ces messes solennelles où le célébrant, après avoir encensé toute l’assistance, finit par être encensé à son tour.

Le temps de l’encensoir et des complimens est passé. Le public a remarqué que dans les dernières séances de réception, le récipiendaire s’est dispensé de remercier l’Académie de l’insigne honneur qu’elle lui avait fait, à lui indigne, en l’admettant dans son sein. On a bien fait de renoncer à cette formalité; la fausse modestie est fort discréditée, elle