Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se servait de l’éclat des débats parlementaires pour dérouler devant l’opinion italienne et européenne ses plans de politique libérale, et il ne se bornait pas là. Au même instant, il était déjà tout entier à une négociation intime avec la France, pour obtenir de l’empereur la reconnaissance du royaume d’Italie, et, par une application nouvelle du principe de non-intervention, le rappel de la garnison française de Rome.

C’eût été pour Cavour un succès décisif, un commencement de réalisation de cette partie de son programme par laquelle il déclarait que rien ne devait être fait que d’accord avec la France à Rome, et, pour atteindre ce but, il ne refusait pas les garanties qu’on lui demandait. C’était une phase de plus dans cet éternel travail diplomatique entre Turin et Paris. Le prince Napoléon servait d’intermédiaire dans cette négociation secrète. Aux premiers jours d’avril 1861, il communiquait à Cavour les vues de l’empereur au sujet des affaires de Rome. « L’empereur, qui occupe Rome depuis douze années, écrivait le prince Napoléon, l’empereur ne veut pas que le départ de ses troupes soit interprété comme un démenti donné à sa politique et comme une retraite devant l’unité italienne accomplie en dehors de ses conseils; mais il désire rappeler ses soldats de Rome et se tirer ainsi d’une fausse position. Le gouvernement italien a un intérêt de premier ordre à voir cet acte se réaliser, et dès lors il doit passer par-dessus des difficultés secondaires et transitoires. La politique de non-intervention appliquée à Rome et au patrimoine de saint Pierre pourrait servir de base à un accord. Le pape étant considéré comme souverain indépendant, la France rappellerait sa garnison de Rome sans que l’Autriche pût prendre sa place, et à son tour le gouvernement italien prendrait l’engagement envers la France, non-seulement de s’abstenir de tout acte hostile contre le gouvernement pontifical, mais encore d’empêcher toute attaque armée soit des volontaires de Garibaldi, soit d’autres Italiens... Sans reconnaître au pape le droit de recourir à l’intervention étrangère, l’empereur voudra probablement que le gouvernement italien reconnaisse au gouvernement pontifical le droit d’organiser une armée catholique en dehors de ses sujets, sous la condition que cette armée reste une force défensive sans pouvoir devenir un moyen d’action offensive contre l’Italie. L’immense avantage de cet accord pour vous est de renouer aussitôt vos relations diplomatiques avec la France, tandis que l’Autriche peut reprendre la guerre d’un moment à l’autre, et de voir Rome libre d’une garnison étrangère... »

La situation se trouverait ainsi réglée pour le moment : c’était la pensée de l’empereur traduite par le prince Napoléon, et l’avenir