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ladicte place nuit, et n’ont pas croyance que je puisse jamais défaillir à ce qui est de mes debvoirs. Je n’ay d’autre costé nulles paroles ny effects de la volonté du roi à me faire jouir de sa protection. »


Il finit en invitant Luynes à considérer qu’on le tient pour « auteur et conducteur » des maux présens, sinon on croira qu’il cherche plutôt la continuation que l’issue des peines de l’état. Quelque temps après, il répond sur le même ton à des lettres du connétable de Luynes : « Pour maintenir l’autorité du roy, il estoit nécessaire de donner seureté à ses subjects de la religion en faisant bien observer les édits de pacification que les rois ses prédécesseurs ont jugé avec grande prudence estre le seul moyen de maintenir la paix en l’estat, parce qu’ils servent comme de l’arière pour arrester la mauvaise volonté des peuples. » Il se plaint de désordres arrivés à Paris, d’émotions excitées en d’autres lieux contre les protestans. Si l’on a pris la résolution de ruiner tous ceux de la religion, ce serait « un conseil que l’expérience du passé a fait reconnaître très pernicieux, et dont ceux qui l’ont pratiqué et ceux qui les ont suivis ont recogneu des effets tout contraires à ceux qu’ils s’en estoient promis, et veu renaître des cendres et du sang de ceux qu’ils pensoient avoir exterminés pour jamais un plus grand nombre qu’il n’y en avoit auparavant. La religion ny les consciences ne se doibvent ny peuvent forcer, et Dieu detestant telles violences, ny bon chrestien ny vray Français qui aime le roy et l’estat ne les approuve jamais. » (Lettre du 2 octobre 1621.)

Luynes, atteint d’une fièvre maligne, mourut à peu de temps de là, quand le roi, dégoûté de son peu de courage et de sa hauteur, commençait à se lasser de lui. Bouillon exprime pourtant ses froides condoléances au roi ; « Monsieur le connétable ne peut être moins que heureux, veu le témoignage que vostre majesté rend à sa mémoire. » Il profite de l’occasion pour dire à sa majesté « qu’elle doibt donner la paix à son royaume et comme père et comme roy. » (11 janvier 1622.) Bouillon n’avait pas voulu s’associer aux entreprises imprudentes des églises. « On ne peut trop, écrivait-il trois ans avant déjà à M. de Laval, affectionner le bien des églises, mais la prudence est de le chercher dans le service du roy et le repos de l’estat. » Il ne variait plus dans ces sentimens, tout en plaidant sans cesse auprès du souverain la cause des rebelles. Aussi, quand Louis XIII quitta Bordeaux pour s’en revenir à Paris, il évita de passer par Castillon, place qui appartenait à Bouillon, bien que Schomberg l’invitât à s’en saisir et à en chasser la garnison du duc. Bouillon ne cessait pas d’écrire au roi en faveur d’un accommodement.