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que maintenant. Voicy la pierre de touche, cette action seule peut donner de vous ou bonne ou mauvaise impression, et, passée à vostre advantage, l’envie a le col rompu; plus de calomnie, seureté de vos paroles, honneur pour jamais, qui effacera tous les soupçons du passé et mesme les fera trouver faux, jugeant bien que, puisque vous estes contenu dans le devoir en ce temps par le passé n’en aiant jamais eu tant de subject je veux dire tant de prétexte, que vostre ame a esté tousjours bonne, que vos ennemis ont plus valu plustost que la vérité, et bref ferez condamner vos accusateurs en vostre justification, et donnerez suject au roy d’avoir soin de vous à l’advenir, d’aymer vostre fils, et d’estre l’un et l’autre dans son cœur comme dans sa protection. Voilà comme je parle à ceux que j’honnore et que je désire obliger et servir ceux qu’ont bonne volonté; apprenant ceste franchise, comme les autres y trouvent à redire, je ne doubte point de vostre prudence non-pareille; je croy de mesme que ce conseil sera receu de vous, et que puisque pour la dernière fois, c’est-à-dire la plus asseurée, je vous offre les bonnes grâces du roy, vous les accepterez et en ferez vostre profict; mandez moy librement et vos intentions et vos nécessitez, je vous promets y faire avoir égard. Je vous dis efficacieusement et sans artifice, si cela n’est, prenez vous en à moy, cette espérance me fait vous asseurer que je suis, monsieur, etc.


Le siège durait depuis un mois ; Rohan avait tiré des troupes des Cévennes et du Languedoc et il réussit à jeter un secours dans la ville. Le connétable de Luynes lui demanda une entrevue; elle eut lieu à Riviers, à une lieue de Montauban. Luynes offrit à Rohan de faire sa paix séparée: celui-ci ne voulut traiter que pour les églises. Le roi fut enfin contraint de lever le siège le 18 novembre 1621.

Pendant tout ce temps, Bouillon n’avait cessé de correspondre avec le roi. On l’accusait d’avoir envoyé des émissaires à la cour d’Angleterre; il se défendait de ce reproche (lettre au roi du 20 septembre 1621), et n’avait envoyé personne non plus en Hollande (lettre au roi du 26 septembre 1621). Quand il écrit directement à Luynes, son ton devient hautain :


« Monsieur,

« Vous me dittes que l’on dit que je lève et retiens des gens ; je vous asseureray avec parole véritable que cela ne se trouvera point ; et quand je le feray, je ne le céleray pas, puisque tant de nécessités apparentes m’y pourroient convier, lesquelles sont attachées à la conservation de cette place, pour le service du roy, la seureté de son estat et le repos de ma famille ; voyant de grandes et puissantes armées à ma porte entre les mains de personnes qui n’ayment la France, et auxquelles