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continuer et porter toute entière, parce que ceux qui ont charge de vos finances n’y apportent aucune considération, soit qu’ilz n’en aient commandement de vostre majesté, ou que la haine commune qu’on porte à ceux de la religion s’estende aussi sur moy qui fais mesme profession, et que cela me prive des effectz de la bienveillance de vostre majesté, de laquelle attendant les commandemens et les tesmoignages de sa protection, je demeureray, sire, vostre, etc. »

« De Sedan, le 22 juin 1621. »


On regrette la fin de cette lettre, qui a de si belles parties. Bouillon ne réclamait peut-être que ce qui lui était dû ; mais la note du procureur, de l’homme d’affaires, sonne mal après ces grands mots de religion et de patrie. Bouillon pense trop à son Sedan, il s’est attaché à ce coin de terre, à ces remparts derrière lesquels il se croit en sûreté, entre lesquels il joue le souverain. Ses craintes augmentent quand il apprend le départ de l’armée royale, quand il sait que Lesdiguières consent à servir sous Luynes, nommé connétable.


III.

Bouillon avait vu bien clair dans les affaires de son parti; l’union ne s’y conservait que lorsque les protestans avaient à leur tête un prince du sang. La Trémoille avait, comme lui, refusé de prendre un commandement. Quand Louis XIII entra dans le Poitou, toutes les villes calvinistes se soumirent. Soubise ne put défendre longtemps Saint-Jean-d’Angely. D’Épernon alla bloquer La Rochelle. Les places de la Basse-Guienne se rendirent les unes après les autres ; beaucoup de gouverneurs se livraient pour de l’argent. Luynes alla mettre le siège devant Montauban. Il écrivit du camp à Bouillon, le 14 septembre 1621 :


« Monsieur,

« Je résisteray à ce coup comme j’ay fait à tous les autres de mesme nature, touchant les calomnies que l’on vous veut imposer; et comme je sçay que vous fuirez les occasions de me donner subject d’en doubler par la continuation de vostre affection pour le roy, l’on tient icy que vous voulez faire des levées et que vous arrestez des gens pour ce subject, et je suis asseuré que sur les asseurances que m’avez données du contraire, et jureray tousjours de vostre fidélité jusques à ce que m’ayez trompé, qui ne peut estre, puisque m’avez promis le contraire. Je vous diray donc mon advis que je n’auray jamais cru une semblable occasion pour faire cognoistre ce que j’ay promis de vous estre véritable