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ce suject, sire, j’oseray dire à vostre majesté avec l’humilité et le très humble respect que je lui doibs que cette procédure extraordinaire qui se tient sous vostre nom par vos officiers, et que j’estime aller plus avant que vostre intention apporte à vostre estat des inconvéniens beaucoup plus grands que peut être on ne l’a préveu et qu’on ne le représente à vostre majesté, laquelle avec le temps pourra recognoistre que la pluspart de ceux qui lui proposent une grande facilité à ruiner et dissiper ses subjetz de ladicte religion par la force de ses armes et autres rigueurs n’en croyent pas pourtant l’exécution si aisée, n’espérant que de les mettre au désespoir, afin d’aigrir tellement le mal que le remède n’y trouve plus de lieu et ne veulent qu’oster armes sous ce prétexte, n’en aiant point de plus plausible pour faire valoir leurs intéretz particuliers plus que l’autorité de vostre majesté et de son estat, qui n’en peut enfin ressentir qu’une désolation et calamité déplorable.

« Cela me faict suplier très humblement vostre majesté de vouloir donner la paix à son estat et seureté à ses subjetz de la religion, par l’observation et exécution de ses editz, et de considérer que cette obéissance qu’on leur veult faire rendre par contrainte et par force lui sera moins certaine et asseurée, et lui doibt estre aussi moins agréable que si elle estoit libre et volontaire, et que vostre majesté recevra beaucoup plus de contentement de faire apporter quelque modération à l’exécution de la dicte déclaration et d’arrester les rigueurs extraordinaires de ses officiers, qu’en les laissant coutinuer rendre le mal sans remède, et ester tout moyen à ceux qui désirent le bien et repos de vostre estat d’y contribuer ce qu’ilz doibvent, ainsy que je feray tousjours avec grande affection en ce qui sera de mon pouvoir. Je suplie aussi très humblement vostre majesté, ce lieu estant en sa protection, de faire pourvoir par son autorité que ceux qui s’i viennent retirer pour la liberté de leurs consciences n’en soient point empeschés ny en leurs personnes, ny en leurs biens, ny molestez par les chemins, ainsy qu’ilz sont avec toutes sortes de vexations et d’indignitéz. A quoy j’adjousteray que quelques devoirs que j’aye rendus jusques à cette heure et quelque contentement que vostre majesté ait tesmoigné en avoir receu, nonobstant les asseurances qu’il lui a pieu me donner par plusieurs lettres qu’elle m’a faict l’honneur de m’escrire, qu’elle feroit pourvoir au paiement de ce qui m’est deu à cause de la dicte protection, je n’en ay depuis plusieurs années ressenti aucun effect, ainsy que je l’ay ci-devant représenté à vostre majesté par mes lettres du 7e avril dernier, sur lesquelles je n’ay eu aucune responce, quoy que les armes des voisins m’ayent obligé depuis quelques temps à augmenter ma garnison, pour prendre plus soigneusement garde à la conservation de cette place pour le service de vostre majesté et de la France, et d’y faire pour cet effect beaucoup plus de despence que je n’avois accoustumé, laquelle je suis contraint de