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aucune chose venant de leur part, encore qu’avec le respect que je doibs, je puis dire que vostre majesté et les roys ses prédécesseurs ont souvent souffert un délay à l’exécution de leurs commandements, pour ouïr les raisons de ceux qui avoient à obéyr pourquoy ils différoient l’obéyssance, demeurant tousjours de leur puissance de faire effectuer leurs commandements après les avoir ouys ou bien de recevoir les raisons de ces délais, procédure qui semble en la cause présente plus raisonnable, attendu que la crainte est une passion qui tire bien souvent les espris hors d’eux, n’estans aussi les dits députez proprement libres de faire ce qu’ils voudroient, ains obligez de suivre les instructions de ceux qui les ont envoyez, et aussy qu’ils peuvent estimer que leur roy doux et bon aymera mieux les ouïr que de non pas les faire désespérer du tout de sa bonne grâce. Ainsy, sire, vostre royale majesté demeure tousjours puissante d’agréer ou de refuser ce qu’ils luy représenteront, afin que, dans la justice et débonnairetté de ses responces, ils soient du tout inexcusables si l’obéissance ne luy est rendue promptement. J’oy, sire, à mon grand regret, et pour le service que je doibs à vostre majesté, et pour le bien que je souhaite au repos de vostre estat, qu’il se fait des préparations d’armes en divers lieux |de vostre royaume, lesquelles, quelque succès qu’elles puissent avoir, feront sentir à tous vos subjets des douleurs très-grièfves, aussy bien aux bons qu’aux mauvais s’il y en a, et l’auront à interpréter à quelques-uns comment il y faudra obéyr, et durant ces contestations, eschaper l’occasion la plus grande, la plus juste et la plus chrestienne qui se soit de longtemps offerte pour arrester les maux de l’Europe et l’agrandissement de ceux qui par la prospérité auront peine d’arrester leur ambition, et par la paix de son estat estre puissant de faire déférer aux conseils qu’il luy plaira tenir, pour restablir une paix en Europe, et rendre vostre règne le plus illustre et glorieux que nul autre qui l’ait précédé. Sire, que vostre majesté me pardonne si quelque peu d’expérience que j’ay acquis dans l’aage où je suis me luy fait dire que jamais les armes n’ont esté, pour quelque précaution qu’on y ait portée, qu’il n’y ait eu du hasard aux événements; à ouir vos subjetz, à recevoir ce qui sera juste ou à rejeter ce qui ne le sera point, il ne peut en arriver qu’une recognoissance entière de vostre autorité, et lorsqu’il y en auroit quelques-uns qui contesteroient contre cest office royal, qu’ils ne le fussent si foibles pour pouvoir contester qu’ils serviroient d’exemple à tous autres désobéyssans. Donc, sire, par grâce, donnez comme roy et père vostre oreille pour ouyr, et après vostre justice pour loy qu’on debvra entièrement suivre. Je prends ceste hardiesse de parler ainsy à vostre majesté par le long temps qu’il y a que j’ay servi honorablement et dignement les roys ses prédécesseurs et particulièrement le feu roy son père de très-glorieuse mémoire, qui a souvent receu mes conseils, les recognoissans