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l’ambition. Concini avait déjà acheté le marquisat d’Ancre, le gouvernement de Péronne, de Montdidier et de Roye. Bouillon lui vendit sa charge de gentilhomme de la chambre du roi et retourna à Sedan, Il ne pensa plus qu’à se venger de Sully. Les protestans allaient tenir leur assemblée générale à Saumur; au lieu de deux députés par province, comme l’autorisait l’édit de Nantes, on en nomma six par assemblée provinciale. On appela des députés du Béarn sans la permission du roi. On voulait une assemblée nombreuse. La régente, inquiète, pria Bouillon de revenir à Paris, lui demanda de soutenir son autorité dans l’assemblée et lui donna 400,000 francs pour y gagner des voix. Elle chercha à le gagner par la promesse du gouvernement du Poitou ; mais Bouillon n’avait pas besoin de ces offres pour contrecarrer les projets des turbulens de son parti : il suffisait qu’ils fussent soutenus par Rohan; autant il tenait à la stricte exécution de l’édit de Nantes, autant il supportait impatiemment la tyrannie des ministres et leurs rêves républicains. Il ne s’en cacha pas à Aerssens, il lui déclara qu’il irait à Saumur pour soutenir à la fois l’autorité royale et les droits de ses coreligionnaires : si ceux-ci violaient les édits à leur profit, ils autorisaient la royauté à les violer un jour contre eux.

L’assemblée de Saumur choisit Duplessis-Mornay pour son président ; elle était animée de la plus vive colère contre le parti espagnol, exaspérée par l’abandon de la politique d’Henri IV : elle sortit des limites de la prudence et de la légalité. Ses cahiers demandaient : que les places de sûreté leur fussent continuées pour dix ans, — que leurs gouverneurs ne pussent s’en démettre entre les mains du roi que du consentement des églises, — qu’en cas de mort leurs successeurs fussent nommés par les églises, — que ces places pussent être fortifiées, — qu’on pût faire des assemblées générales tous les deux ans, — que le roi ne choisît plus deux députés sur les six députés nommés par les églises, mais que les églises pussent nommer ces deux députés; ils réclamaient, outre cent trois places de sûreté que les protestans avaient déjà, un nombre de places encore plus grand dans tout le royaume.

Bouillon fit un long discours contre ces demandes : il osa dire aux protestans qu’ils n’étaient pas les plus nombreux en France, que leurs prétentions étaient excessives, que leur intérêt bien entendu commandait de ne rien changer aux termes de l’édit de Nantes, fruit de tant de labeurs et héritage du dernier roi, que surtout pendant une minorité il ne fallait point toucher aux lois ni ébranler l’état.

Ce langage si politique était, croyons-nous, parfaitement sincère. Bouillon n’oubliait pas qu’il était prince, et il n’eût pas supporté