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Près de 900 millions de roubles, près de 3 milliards 500 millions de francs de découvert en pleine paix, avant les armemens et les inquiétudes des semaines dernières ; c’est là, il faut l’avouer, un chiffre assez peu rassurant. Avec la paix cependant, dans des conditions budgétaires normales, cette énorme dette flottante ne serait pas aussi effrayante qu’elle le semble au premier abord. Les écrivains russes ne désespéraient pas, avant les derniers événemens, de débarrasser le trésor de ce lourd fardeau. Ici, comme en toutes choses, les plans ne manquaient point ; j’en citerai un des plus récens et des plus remarqués, dont le but était de montrer comment la Russie pourrait revenir à la circulation métallique. La marche la plus naturelle serait de délivrer l’état de la dette flottante autre que le papier-monnaie, afin de s’attaquer ensuite à ce dernier. Le premier obstacle qui se présente, c’est le déficit des anciens établissemens de crédit. Cette dette n’est pas seulement importante par elle-même (plus de 100 millions de roubles), elle a le grand tort de pousser à étendre les émissions. Lors de la création de la banque actuelle, en effet, le trésor avait pris l’engagement de lui fournir les moyens de liquider les établissemens de crédit auxquels elle succédait. Cette stipulation n’a pas été remplie. La banque de l’état s’est ainsi trouvée dans l’obligation de recourir à des ressources destinées aux opérations commerciales et aux fonds déposés dans ses caisses par les particuliers. Pour combler le vide ainsi laissé dans ses opérations ordinaires, la banque a été réduite à des émissions de papier. La liquidation des anciens établissemens de crédit est ainsi une des causes de la trop grande abondance et de la dépréciation de la monnaie fiduciaire. Avant de supprimer le cours forcé, il convient donc de tarir ou de détourner cette source, ignorée de l’étranger, dont les eaux viennent grossir le fleuve déjà trop plein de la circulation fiduciaire. Pour cela, il n’y a qu’à convertir le déficit des anciens établissemens de crédit en dette à longue échéance, c’est-à-dire à consolider cette partie de la dette flottante. C’est ce que proposait un écrivain russe, M. Kauffmann, dans le Vestnik Evropy[1]. Pour les bons du trésor et les billets 4 pour 100, le publiciste du Messager d’Europe recommandait le même procédé, on pourrait dire la même recette, conversion et consolidation ; d’autant plus que, d’après M. Kauffmann, la conversion des titres rapportant déjà intérêt ne

    pour le rachat de leurs terres, avances dont le montant est aujourd’hui de 681 millions de roubles, représentés par des titres remis aux anciens propriétaires avec la garantie de l’état. Ce n’est là pour le trésor, en temps normal, qu’une dette purement nominale, puisque les intérêts et le capital lui en sont remboursés par les annuités des paysans. En cas de crise, si ces annuités venaient à ne plus rentrer régulièrement, ce n’en serait pas moins pour l’état une source d’embarras.

  1. Vestnik Evropy, livraison de mars 1875.