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L’HÉGÉLIANISME
DANS LA CRITIQUE SAVANTE EN ALLEMAGNE

L’INTERPRÉTATION DE L’ANTIGONE DE SOPHOCLE.

La théorie des milieux, appliquée à la critique littéraire, a fait de nos jours une assez belle fortune. L’homme de talent qui l’a mise en vogue lui a donné sa valeur parmi nous, tantôt par une richesse ingénieuse d’observations qui la féconde et l’anime, tantôt par une rigueur impassible et obstinée de déduction qui semble lui communiquer la solidité de la science. Cette théorie, dans sa pensée première et dans ses élémens inattaquables, n’est pas neuve ; elle est vieille comme la sagesse des Grecs, qui reconnaissaient déjà combien les conditions physiques elles-mêmes modifiaient la nature morale des peuples. Ce qu’elle a de plus nouveau sous sa forme contemporaine, c’est peut-être l’excès, l’esprit exclusif des applications, et par suite une affinité avec les systèmes matérialistes. Cependant elle reste vraie, et prête encore à des développemens. Ainsi elle pourrait servir à expliquer et à juger la critique elle-même, dont le premier devoir semblerait consister à se dégager des influences extérieures d’habitudes et de milieu pour devenir clairvoyante et impartiale, et qui au contraire en est presque toujours si profondément pénétrée.

Parmi ces influences, une des plus intéressantes et des plus nécessaires à étudier, c’est celle qu’exercent ainsi, même en dehors de leur domaine propre, quelques hommes doués d’autorité et philosophes de nature, dont l’empreinte reste marquée sur l’esprit de