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prendre une carrière civile. Ce n’est pas absolument ce qu’il nous faut aujourd’hui, et mieux vaut donner d’autres conseils. Le Petit Roi est le roman d’un jeune Russe fantasque et mal élevé qui croit que tout est fait et mis au monde pour son service, et que son père amène à Paris pour lui faire changer d’air et lui montrer que l’univers n’obéit pas aux mêmes lois que la sainte Russie. Rien de plus moral en somme que le livre de Mme Blandy, mais aussi, nous le craignons du moins, il ne paraîtra guère plaisant aux lecteurs que l’auteur a voulu séduire. Pour nous, nous préférons voir dans les mains de la jeunesse le livre de M. Muller, la Morale en action ; là au moins on rencontre de vigoureux exemples, classés dans un ordre méthodique et empruntés à l’histoire, Les grandes vertus de l’homme sont citées et proclamées de telle façon que l’imagination, toujours séduite par ce qui est beau et grand, ne désire plus qu’une chose : imiter ce que l’on a fait de bien. Ces récits sont choisis avec soin ; les enfans qui les liront apprendront quelques anecdotes historiques qui ne leur sortiront pas de la mémoire, et en même temps ils en apprécieront le côté moral.

Le livre de M. Cahun, la Bannière bleue, pourra-t-il servir à l’instruction de la jeunesse comme les ouvrages que nous venons d’énumérer ? Il est permis d’en douter, au moins pour ce qui regarde la première moitié de ce récit. L’auteur nous transporte au milieu des tribus mongoles, au moment où elles se disposent à combattre les peuplades voisines. Dans la première partie de son livre, chaque page est surchargée de noms propres difficiles à retenir, et l’itinéraire des peuples n’est pas indiqué d’une manière suffisamment claire. L’année dernière, M. Cahun nous avait donné un fort bon précis de géographie ancienne dans les Aventures du capitaine Magon, mais aujourd’hui il n’a pas complètement réussi ; cependant la Bannière bleue se lit avec un certain intérêt, et la fin du volume en rachète les débuts pénibles.

Mme de Witt, en racontant avec simplicité les légendes de la Bretagne et de la Normandie, vient d’écrire un livre plein de charme et de gaîté, qui sera certainement fort bien reçu du jeune public auquel il s’adresse. Nous n’avons pas besoin de parler de la moralité de ces contes, dans lesquels les karrigans, les fées, les nains de toute sorte, jouent un grand rôle ; Mm8 de Witt aime le merveilleux et trouve qu’on ne doit point oublier de parler à l’imagination des enfans en leur racontant des histoires qui font travailler et rêver leur esprit. — Cette année est riche en bons livres écrits pour la jeunesse, et l’on peut dire que ce mouvement donné à la littérature enfantine est né dans deux journaux hebdomadaires créés pour un public spécial : le Journal de la jeunesse et le Magasin d’éducation et de récréation.


Le directeur-gérant, G. BULOZ.