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expressément : « Luther triomphait de vive voix, mais la plume de Calvin était plus correcte ;… ils excellaient l’un et l’autre à parler la langue de leur pays. » Ce n’est pas non plus l’avis de Bourdaloue dans ce curieux passage où il accorde à ses adversaires tant de mérites supérieurs : savoir, critique, éloquence, et leur refuse seulement l’humilité. « Partout funeste à la langue ! » Ce mot est déjà bien extraordinaire, M. Paul Lacroix ajoute sans hésiter : « Elle porta surtout un coup mortel à la poésie allemande. » De plus fort en plus fort ! Si l’auteur veut dire que la réforme mit fin à la poésie catholique d’une partie de l’Allemagne, c’est une vérité trop vraie, un écrivain plus exact se serait empressé d’ajouter qu’à cette poésie disparue l’Allemagne du centre et du nord en avait substitué une autre, la poésie religieuse la plus forte, expression véhémente des convictions nouvelles. Que M. Paul Lacroix consulte sur ce point l’Histoire de la Littérature allemande de M. Heinrich, œuvre aussi impartiale que savante ; il verra combien il s’est trompé. Arrêtons-nous. Quels que soient les devoirs de la critique, on regrette d’examiner minutieusement une œuvre qui est plutôt une introduction qu’un travail de science, une œuvre sans précision, mais souple, aisée, flottante, destinée à éveiller l’esprit et a charmer les yeux.

L’ouvrage de M. l’abbé U. Maynard, intitulé simplement la Sainte Vierge, nous suggère quelques observations du même genre. Nous ne parlons pas, bien entendu, de ce qui est le fond même du livre ; c’est aux théologiens, aux hagiographes de juger les recherches et les vues de M. l’abbé Maynard. Les deux premières parties comprennent la métaphysique et l’histoire du sujet, d’un côté la préparation éternelle, de l’autre l’existence terrestre de celle qui fut la mère de Jésus. L’auteur a-t-il eu raison d’appeler en témoignage les apocryphes et les légendaires, comme il nous en avertit lui-même dans sa préface ? S’il a bien fait de retrancher de ses pages tout ce qui sentirait la dissertation et la dispute, a-t-il raison de nous dire avec le même sentiment de satisfaction que la critique en est absente ? Je laisse de côté ces questions, que la nature même du sujet soustrait à la critique profane. Il faut prendre garde, dit Montesquieu, de blesser l’humanité aux endroits les plus tendres. Je m’en tiens à la troisième partie, qui traite du culte de la Vierge aux différens âges, c’est-à-dire de toutes les manifestations de l’art, de tout ce que l’architecture, la peinture, la statuaire, la poésie populaire ou savante, l’imagination enfin sous toutes les formes, a déployé de fictions et de richesses pour honorer la mère du Christ. La suite de ces merveilleuses litanies donne lieu à une enquête où l’histoire générale de l’esprit humain peut recueillir des faits qui l’intéressent. Je dois pourtant y signaler des taches, certaines singularités de style peu bienséantes en telle matière, parfois aussi des erreurs assez graves que la critique littéraire ne peut se dispenser de relever. Lorsque