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sous une sorte de réserve malicieuse, en laissant entendre au public, dressé à comprendre à demi mot, qu’ils ne seront pas heureux et n’auront pas d’enfans. On a renversé la conclusion de tous les vieux contes, et le dénoûment consolant de toutes les histoires dont s’amusaient nos pères parait aujourd’hui une raillerie. Le mariage, où ceux-ci voyaient le commencement du bonheur, passe pour n’être plus que le début des infortunes et des ennuis. Les choses ne vont pourtant pas plus mal qu’autrefois. Les moralistes font du vacarme ; ils accumulent les pièces sur les livres ; ils gagnent, à médire, l’argent et le respect des badauds. Les gens sensés les laissent dire et se marient. Malheureusement, de la calomnie il reste toujours quelque chose : c’était l’avis de Bazile, qui s’y connaissait. Ceux qui savent la vérité ne font que rire ; ceux qui l’ignorent écoutent et retiennent. Les auteurs qui font les plus noires peintures de la vie conjugale prennent femme eux-mêmes ; ils sont bons époux, bons pères, et ils jouissent tranquillement de leur félicité, sans se douter qu’il y a des milliers de jeunes gens à qui leurs comédies ont inspiré la terreur du mariage, et qui y voient, sur la foi de boutades plus ou moins spirituelles, une sorte de croquemitaine toujours prêt à dévorer les grands enfans. L’avis fameux que Panurge demanda à Pantagruel « pour sçauoir s’il se doibt marier, » les jeunes gens le demandent presque tous maintenant à une expérience hâtive et fausse, dont les leçons décourageantes du théâtre ont fait la plus grande part, — malheureux, qu’une prudence maladroite jette de Charybde en Scylla, qui se condamnent à une vie chagrine, improductive, privée des affections qui font le courage et la vraie force.

La morale bourgeoise et prosaïque de l’Ami Fritz est bonne et saine ; de ces formidables goinfreries s’élève une sage leçon. Si l’idylle n’avait pas le charme attendri et la poésie qui chaque soir soulèvent la salle, — si la Comédie-Française n’avait pas donné à l’Ami Fritz une mise en scène et une interprétation qui poussent la perfection jusqu’au danger, en égarant l’attention du public, — il resterait encore, pour assurer le succès, la saveur que peut avoir, en ce temps de comédies troublées, une pastorale qui montre d’honnêtes gens dans un tableau pittoresque.


LES LIVRES ILLUSTRÉS.

I.Sciences et Lettres au moyen âge et à l’époque de la renaissance, par M. Paul Lacroix, in-8o ; Didot — II. La Sainte Vierge, par M. l’abbé U. Maynard, in-8o ; Didot.


L’auteur du livre intitulé Sciences et lettres au moyen âge et à l’époque de la Renaissance n’a pas eu la prétention de donner sur ce grand sujet une étude neuve et complète. Pour être neuf dans une matière où tant