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rien de plus, pour sûr il ne consultera que l’intérêt allemand ; il garde sa liberté, et vraiment on ne peut qu’être éclairé et rassuré par les explications du tout-puissant chancelier de l’empire d’Allemagne !


CH. DE MAZADE.



REVUE DRAMATIQUE.

COMEDIE-FRANÇAISE ; l’Ami Fritz, de MM. Erckmann-Chatrian.
GYMNASE ; la Comtesse Romani.


Le bruit qui s’est fait autour de la pièce de MM. Erckmann-Chatrian est près de cesser. Il semblait que cet Ami Fritz fût un nouveau cheval de Troie dont les flancs allaient répandre dans la paisible maison de Molière des nuées de combattans furieux, et que le parterre de la Comédie-Française dût être transformé en champ de bataille ; on en a heureusement été quitte pour la peur. Ces agitations stériles, où les enfans perdus des partis politiques dépensent leurs forces, n’ont pas de longues durées ; de tous ces grands vacarmes il ne sort le plus souvent que du vent.

On a dit de l’Ami Fritz, en cette dernière semaine, tout le bien et tout le mal qu’on en peut dire ; on a épuisé toutes les formes de l’éloge et toutes les ressources de la critique. La comédie nouvelle n’est pas un. de ces chefs-d’œuvre qui défient le blâme, et si d’ardentes amitiés ont trouvé le moyen de la louer sans réserves, il s’en faut pourtant de beaucoup qu’elle donne satisfaction à toutes les exigences qu’imposent les goûts du jour et les lois nouvelles du théâtre. Ce n’est qu’un conte mis en dialogue, ou, mieux encore, une sorte de tableau vivant et parlant, parfumé de délicieuses senteurs printanières et de succulentes. Odeurs de cuisine, assaisonné de discours moraux, faisant, du premier mot au dernier, l’éloge du foyer, de la ménagère et des vertus domestiques. Il fallait voir, aux premières représentations, la surprise du public, élevé à l’école des auteurs à la mode, s’armant de souvenirs et de théories pour lutter contre le charme de cette pièce étrange, si peu théâtrale et si séduisante, cédant enfin à l’émotion de ces fortes paroles, de ces fraîches amours, de cette saine morale, se demandant s’il n’assistait pas à la naissance de ce renouveau qu’on cherche depuis si longtemps et qui semble fuir obstinément, comme l’oasis luit dans le désert devant le voyageur altéré. Nous en sommes là aujourd’hui, qu’on fait du neuf en prêchant d’honnêtes vérités aussi vieilles que le monde.

Comme elles font plaisir à voir, ces figures de bons vivans, éclairées d’un large sourire, joyeusement empourprées ! Qu’il est bon d’entendre ces braves gens parler, dans un langage clair et digne, des devoirs et