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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre 1876.

La France, dans sa longue carrière, dans ses voyages à travers tous les régimes, a eu bien des momens critiques ; rarement elle a passé par une épreuve plus bizarre, moins motivée, moins opportune que celle qui vient de lui être infligée. Ce qui était facile à prévoir est arrivé en effet. Le cabinet présidé par M. Dufaure est tombé ou il s’est affaissé ; une crise à laquelle tout le monde a contribué s’est ouverte, et depuis le 2 décembre, — un anniversaire qui devrait pourtant donner à réfléchir ! — depuis près de quinze jours la grande, l’unique question a été de savoir comment on relèverait ce ministère tombé en défaillance, ou comment on ferait un ministère nouveau dans l’incohérence des pouvoirs et des partis.

Des consultations et des négociations se succédant sans résultat, des combinaisons tour à tour essayées ou proposées, des jactances a demi révolutionnaires, des prétentions de partis contrariant tous les efforts, des manifestations de couloirs, des agitations mêlées d’impuissance, c’est l’histoire qui vient de se dérouler pendant deux semaines devant le pays étonné, et, on peut le dire, scandalisé. Si c’est pour cela qu’on a voulu avoir une session extraordinaire, si c’est pour se ménager le moyen de provoquer ou d’aggraver des crises qu’on a tenu à laisser le vote du budget en suspens jusqu’aux derniers jours de l’année, on a réussi complètement. Le budget n’est pas encore voté, il est vrai, mais on a eu la crise, l’interrègne ministériel, le trouble des pouvoirs, en un mot cette situation confuse où l’on a semblé se faire un jeu d’accumuler les impossibilités, en confondant, en altérant toutes les conditions d’un régime régulier. Pour la première épreuve un peu sérieuse des institutions nouvelles, ce qui vient de se passer à Versailles est en vérité instructif. D’un seul coup on a renversé étourdiment un cabinet, on a tout fait pour créer à M. le président de la république une tâche presque impossible, tout au moins fort épineuse, et l’on n’a sûrement pas