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venait tous de voir et dont il se promettait de ménager l’amitié.

Nommé peu après maréchal de France, — il était le premier calviniste revêtu de cette dignité, — il se rendit au camp devant Rouen. Quand le siège fut levé, il fut chargé de reconduire les Allemands à la frontière ; il surprit en passant Beaumont en Argonne sur le duc de Lorraine. D’Amblize, le général du duc, ayant voulu reprendre Beaumont par un siège, Bouillon le mit en déroute, lui enleva son canon, ses cornettes, ses enseignes ; il se battit comme un simple soldat, reçut deux blessures et n’en demeura pas moins sur le champ de bataille. Il ravagea tout le pays de Verdun ; il s’apprêtait à poursuivre ses avantages quand Henri IV le rappela à la cour, au moment critique de la conversion. La duchesse de Bouillon mourut bientôt, en accouchant d’un enfant mort-né ; son mari restait prince souverain de Sedan et de Bouillon. Il chercha tout de suite une nouvelle femme et, sollicité par Louise de Coligny, qui s’était éprise de sa gloire, désireux de s’unir par des liens plus intimes aux Pays-Bas protestans, il demanda au chef de la maison de Nassau la main d’Elisabeth de Nassau, fille de Guillaume d’Orange et de Charlotte de Bourbon, belle-sœur par conséquent du prince Maurice.

Peu après, en pleine paix, les Espagnols surprirent la Capelle. Henri IV fut extrêmement irrité de la reddition de cette place et en regarda la prise comme une déclaration de guerre. Bouillon excita ses justes colères : il conseilla fortement la guerre à l’Espagne, montra le duc de Parme mort, les ligueurs obligés de se déclarer pour le roi ou contre la France, la lutte contre l’étranger mettant fin aux discordes civiles. D’autres prêchaient la paix, imploraient pitié, pour la France, déjà épuisée par tant de luttes, et faisaient voir combien la puissance espagnole était encore redoutable. Henri suivit l’avis de Bouillon. De Thou attribue du moins à ce dernier le mérite de la déclaration de guerre à l’Espagne ; Bouillon travaillait à la fois pour lui-même, espérant arrondir sa principauté du nord, pour le prince Maurice, devenu son parent, pour les calvinistes, dont, à la faveur d’une lutte nationale, il comptait faire respecter tous les droits.

La guerre fut malheureuse : Bouillon avait été chargé d’envahir le Luxembourg, et l’on avait ajouté à son armée 3,000 hommes commandés par Philippe de Nassau ; mais il fut bientôt obligé de ramener ses soldats en deçà de la Meuse. Tous ses plans avaient été déjoués par Mansfeld, ses troupes n’étaient pas payées. Nassau le quitta et s’en revint piteusement en Hollande par Dieppe et la mer. Il n’y a qu’un fait d’armes brillant à signaler dans la campagne de 1595 : la reprise de Ham sur les Espagnols. D’Humières y fut tué, ce qui fit dire à Henri IV : « J’ai perdu d’Humières ; Ham