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proportionnelle des bénéfices, travaillera mieux que le salarié. Le produit sera donc plus grand, et c’est là un point essentiel ; mais il y a trois grandes difficultés à vaincre. D’abord il faut trouver de bons gérans, et pour cela les bien payer ; ensuite la coopération associe non-seulement des capitaux, mais aussi des hommes ; il faut donc qu’un esprit de support mutuel et d’entente règne entre eux. Enfin, la coopération étant le régime républicain appliqué à l’industrie, il y faut la vertu qui permet aux républiques de vivre, l’obéissance aux lois et aux autorités établies. Il y a donc là toute une éducation économique à faire, pour laquelle il faut du temps. Le but à atteindre est évidemment que le capital et le travail soient réunis dans les mêmes mains sous le régime de la grande industrie, comme jadis dans les corporations ou comme aujourd’hui chez le cultivateur propriétaire. On peut y arriver aussi par le moyen de la société anonyme, quand le capital en est représenté par des titres d’une valeur minime. Supposons une grande usine valant des millions, mais dont les actions ne soient que de 100 francs. Les ouvriers, les employés de tout grade, grâce à l’épargne, acquièrent ces titres : ils deviennent ainsi actionnaires, et, comme tels, propriétaires de l’usine. Cette société anonyme est dès lors une vraie association coopérative. Elle en a les avantages sans en offrir les difficultés. C’est avant tout une association de capitaux. Les hommes ne sont associés que volontairement, transitoirement et en tant qu’actionnaires ; or il est plus facile de tenir réunis des capitaux que des hommes. La société anonyme servirait ainsi de transition pour arriver à la coopération[1], ce qui ne devrait pas empêcher les ouvriers d’élite

  1. Je vois dans le rapport d’une société anglaise (1876), le North of England industrial and coal Company (limited), que différentes sociétés coopératives sont grands actionnaires de l’entreprise, qui possède des hauts-fourneaux et des fours à pudler rotatifs à Carlton, des mines de charbon dans le Durham et des extractions de minerai dans le Cleveland. Voilà la transition de la société anonyme à la société coopérative.