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LE
SOCIALISME CONTEMPORAIN
EN ALLEMAGNE

II.[1].
LES AGITATEURS

Ferdinand Lassalle est considéré par ses adhérens comme le messie du socialisme. Pendant sa vie, ils l’ont écouté comme un oracle ; après sa mort, ils l’ont vénéré comme un demi-dieu. Ils lui ont voué un véritable culte : en 1874, ils ont célébré le dixième anniversaire du jour où il leur fut enlevé, par des cérémonies qui semblaient les rites d’une religion nouvelle. Ils n’hésitent même pas à le comparer au Christ, et ils croient que ses doctrines transformeront la société actuelle comme le christianisme a renouvelé la société antique. En réalité, Lassalle n’a révélé au monde aucune vérité nouvelle. Il n’a fait que vulgariser des idées empruntées à Louis Blanc, à Proudhon, à Rodbertus et surtout à Karl Marx ; mais il est incontestable que c’est la verve de son style, la vigueur de sa polémique, et plus encore son éloquence et son influence personnelle qui ont fait sortir le socialisme de la région des rêves et de l’ombre des livres peu lus et incompris, pour le jeter, comme un brandon de discussions et de luttes, sur les places publiques et

  1. Voyez la Revue du 1er septembre.