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désormais les ressources du budget s’accroître d’année en année dans la même proportion que pendant la dernière période décennale. Si une telle progression semble invraisemblable à l’abri même de la paix, que serait-ce avec les inquiétudes ou les dépenses de la guerre ?

Je n’examinerai pas aujourd’hui à quelles ressources ou à quels expédiens pourrait, en cas de grande ou de longue guerre, recourir le gouvernement russe. Les états modernes ont, pour faire face à des besoins extraordinaires, trois moyens inégaux et inégalement à leur portée : l’impôt, l’emprunt et l’émission de papier, qui n’est qu’une sorte d’emprunt forcé déguisé. De ces trois procédés, il est manifeste que les deux derniers resteraient seuls à la disposition de la Russie. Dans quelle mesure s’en pourrait-elle servir, jusqu’à quel point peut-elle compter sur le crédit, ou, ce qui revient au même, jusqu’à quoi point le crédit peut-il compter sur elle ? La réponse à cette question entraîne l’examen des charges ordinaires et des ressources extraordinaires de l’empire, l’examen de ses dépenses, de sa dette, de sa situation monétaire. Ce sont là des questions que nous réservons pour une prochaine étude. Je terminerai aujourd’hui en rappelant à la Russie, à ses amis ou à ses créanciers, un mot bien connu et toujours vrai d’un de nos ministres des finances d’autrefois : « Faites-moi une bonne politique, je vous ferai de bonnes finances, » disait à ses collègues le baron Louis. C’est là un propos que l’habile ministre des finances de Russie est aujourd’hui en droit de tenir au prince chancelier, dont la pacifique diplomatie n’a pas été, dans les vingt dernières années, le moindre auxiliaire du trésor impérial.


ANATOLE LEROY-BEAULIEU.