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manière de faire rentrer l’impôt, kopek par kopek et semaine par semaine, offre aussi peu de garanties au contribuable qu’au trésor. Il y a loin de là à notre habitude française de payer d’avance l’impôt foncier ; quand ils ne seraient qu’une exception, de tels faits suffisent à montrer le poids des contributions en certaines villes, même après la réforme dont a bénéficié la population urbaine.

A la suite des impôts personnels et des contributions foncières confondus sous la même rubrique vient, dans le budget russe, l’impôt sur les patentes de commerce. Cet impôt, d’origine déjà ancienne, a été remanié sous le règne actuel au moment où dans les villes la contribution foncière était substituée à l’ancienne capitation. Malheureusement ces deux lois contemporaines ne se sont guère inspirées des mêmes principes. On ne les dirait point élaborées par la même commission. Il se rencontre là une sorte de contradiction, d’anomalie, qui n’est pas rare dans la nouvelle législation russe, où, à côté d’un triomphe de l’esprit nouveau, l’on peut souvent signaler une victoire des anciennes maximes. La nouvelle loi sur les patentes a les mêmes bases que le régime auquel elle succède. Naguère les marchands russes étaient, selon l’importance de leur commerce, divisés en trois guildes, dont les deux premières conféraient à leurs membres la plupart des privilèges personnels de la noblesse. Chacune de ces guildes payait un droit de patente fixe pour tout l’empire ; la première 570 roubles, la seconde 285, la troisième 30 seulement. La nouvelle loi n’admet plus que deux guildes, l’une pour le commerce en gros, l’autre pour le commerce de détail. Les membres de la première sont soumis à un droit fixe et uniforme de 265 roubles ; ceux de la seconde sont, selon les localités, divisés en cinq classes, dont la plus élevée paie 65 roubles et la plus basse 25. Comme les anciennes guildes, les deux nouvelles donnent à leurs membres le titre et les droits de la classe des marchands (koupetcheskoé soslovié). En dehors de cela, il y a, pour les trafiquans qui ne peuvent entrer dans les guildes, des patentes ou permis de commerce (promyslovyia svidêlelsiva), n’attribuant à leurs possesseurs aucun droit personnel. A cet impôt sont soumis le petit commerce, le colportage, tout négoce et tout métier de quelque nature qu’il soit. Les droits perçus varient aussi suivant les localités et montent suivant l’échelle de la classe de 8 à 20 roubles. Ce n’est point tout : ces petits trafiquans, de même que les commerçans des guildes, doivent pour chaque établissement, chaque boutique ouverte par eux, acquitter un droit spécial s’élevant, selon la classe ou la localité, de 2 à 30 roubles. Les patrons, industriels ou négocians, ne sont pas seuls assujettis au droit de patente ; les simples commis, divisés en deux catégories, supportent