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d’ordinaire atteintes toutes à la fois ou au même degré du même fléau, de façon qu’il s’établit une sorte d’équilibre régulier entre les revenus encaissés et les arriérés d’impôt. Une calamité générale, une guerre prolongée par exemple ou un blocus fermant tous les débouchés de l’exportation, pourrait cependant aggraver cernai, et en certaines circonstances le rendre irrémédiable.

Le second résultat de ce régime financier est lié au premier. L’impôt, alimenté par les classes peu aisées, manque d’élasticité ; il peut difficilement être accru selon les besoins, et dans le cas où un malheur national viendrait ajouter aux charges du trésor, le contribuable atteint déjà par ce malheur serait peu en état de répondre aux nouvelles exigences du fisc. Les classes riches seraient presque seules à pouvoir fournir un supplément d’impôts ; mais ni par le nombre ni par la fortune elles ne sont capables de compenser l’impuissance de la masse de la nation. Avant même d’entrer dans l’étude détaillée des contributions, l’on peut ainsi dire a priori que la Russie ne serait point en état de grossir soudainement son budget et de faire porter au contribuable une surcharge considérable, comme l’a fait la France après ses récens désastres. L’étude des principales branches du revenu nous montrera du reste quelles sont celles qui semblent susceptibles d’augmentation.


II

Commençons par les impôts directs (priamye naloghi). Ils figurent dans le budget russe sous deux rubriques d’inégale importance : 1° les impôts personnels et redevances foncières ; 2° les patentes de commerce. D’après les évaluations pour l’exercice 1876, la première catégorie doit cette année donner au trésor 116 millions de roubles, la seconde près de 15 millions ; le premier chiffre a, d’après le récent rapport du contrôleur de l’empire, été dépassé d’un million par les recettes de 1875[1]. Ce n’est que sous le règne actuel qu’à l’impôt personnel, à l’ancienne capitation, est venu se joindre un véritable impôt foncier. Malgré cette réforme ou ce

  1. La valeur approximative du rouble en numéraire est, on le sait, de 4 francs, mais la Russie étant depuis longtemps sous le régime du cours forcé et du papier, tous les chiffres budgétaires doivent être calculés en billets, dont la valeur varie quotidiennement selon le cours du change. Dans ces dernières années, le cours du rouble oscillait d’ordinaire entre 3 fr. 60 cent, et 3 fr. 40 cent. Depuis les appréhensions de la guerre, il a notablement baissé et est tombé à environ 3 fr. Une guerre pourrait le faire descendre plus bas encore. Ces variations nous ont décidé à donner tous les chiffres budgétaires en monnaie indigène, laissant au lecteur le soin de les convertir plus ou moins approximativement en sa monnaie nationale.