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le reste, son gouvernement peut, mieux qu’aucun autre, disposer de la totalité de ses moyens, parce que son système administratif surpasse de beaucoup celui des autres, et parce qu’il trouve dans un peuple cultivé, spirituel, propre aux grandes choses et gouverné aujourd’hui par une constitution libre et forte, un instrument parfait pour l’exécution des plans les plus vastes. » L’éloge, on le voit, est absolu, et si Gentz s’est souvent complu à rabaisser le mérite des hommes d’état de ce temps, il rend pleinement justice à la grandeur des résultats qu’ils avaient obtenus. À ce relèvement rapide de la France il ne voit qu’un obstacle, c’est « l’existence d’un parti placé pour ainsi dire en dehors de la constitution, et qui ne cesse de harceler et de tourmenter le gouvernement. » Gentz ne détermine point ce parti, mais il n’y en a qu’un seul auquel puissent s’appliquer ces paroles, c’est celui qui s’était formé de l’alliance scandaleuse des bonapartistes et des révolutionnaires, et qui ne cessait de tramer contre l’état des complots militaires. « C’est, dit-il, le seul côté faible, le seul côté vulnérable de la France ; mais, par la nature éternelle des choses, ce parti doit s’éteindre avec le temps. Les plaies pécuniaires seront guéries plus tôt qu’on ne le pense ; l’armée sera rétablie dans peu d’années, et la France de 1825 ne ressemblera plus, à aucun point de vue, à la France de 1815. » On trouva même un moment que ce travail de réparation s’accomplissait trop vite. « Quelques-uns des ministres étrangers, écrit Gentz en 1818, ont trouvé le projet de loi sur le recrutement intempestif, indiscret, presque suspect… Ils ont secrètement applaudi aux efforts de l’opposition royaliste dans la chambre des députés… Ils se flattent de voir la loi rejetée par la chambre des pairs, et ils ne négligeront rien pour la faire tomber. » L’année suivante, au mois de juillet, l’ambassadeur de Russie à Paris, Pozzo di Borgo, proposa d’adresser des représentations sérieuses au gouvernement français sur l’augmentation disproportionnée de ses forces militaires : « le but avoué de cette démarche était l’éloignement du ministre de la guerre, Gouvion Saint-Cyr, que plusieurs des ministres étrangers regardent comme un homme dangereux. » L’empereur de Russie crut devoir communiquer ce projet à ses alliés, mais il contribua en même temps à le faire rejeter.

Il était de l’intérêt d’Alexandre que la France se relevât et redevînt capable.de jouer un rôle dans les grandes combinaisons européennes ; mais, quel que fût cet intérêt, il ne dominait pas dans l’esprit du tsar sa répugnance à rompre avec ses alliés, et s’il lui convenait d’avoir toujours dans la France une alliée disponible, il n’entrait pas dans ses vues de sacrifier à l’alliance française des amitiés qui dataient de 1813. On le vit bien à Aix-la-Chapelle, lors