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positifs pour une continuation vigoureuse de la guerre. » Gentz avait donc de bonnes raisons pour écrire à son correspondant de Bucharest : « La négociation s’ouvre sous des auspices peu heureux, et à moins de prendre une tournure bien différente de celle qui s’annonce, elle finira sans avoir produit aucun bien. L’empereur d’Autriche et son ministre sont les seuls qui désirent sincèrement la paix ; mais ils ne la regardent plus que comme une chance peu probable. » En réalité l’Autriche, selon l’expression de M. de Narbonne, « poussait ses armemens avec une véritable furie, » et se préparait de toutes ces forces à soutenir la guerre. C’est le 15 juillet que Gentz assurait à l’hospodar que Metternich désirait au fond la paix, et le 9 les alliés avaient tenu à Trachenberg un conseil de guerre auquel assistaient deux généraux autrichiens et où les mouvemens des armées de la coalition avaient été concertés : le contingent autrichien y jouait un rôle très important. En même temps, Metternich conduisait à bonne fin une négociation qui était pour l’Autriche d’un intérêt capital. « La paix générale est entre les mains du gouvernement anglais, » avait écrit Gentz. Le gouvernement anglais se prononça pour la continuation de la guerre, mais il consentit à payer à l’Autriche le prix qu’elle mettait à son concours. Le 27 juillet 1813, un traité secret fut signé à Prague ; les articles 4, 9 et 10 de ce traité réservaient à l’Autriche et à l’Angleterre la direction suprême et l’organisation définitive des affaires d’Italie ; les autres articles réglaient cette organisation, qui était exclusivement conforme aux vues de l’Autriche[1].

C’est ainsi que les alliés et le prétendu médiateur de la paix se préparaient au congrès de Prague en attendant l’arrivée du plénipotentiaire français. Il y arriva le 28, le lendemain du jour où avait été signé ce traité secret. Les instructions qu’il avait reçues montrent que Napoléon était aussi peu disposé que les alliés à une négociation sérieuse ; elles portaient que l’Autriche ne devait pas gagner un village et que la paix devait lui faire expier sa mauvaise foi. C’était fournir à Metternich le prétexte qu’il attendait pour déclarer la guerre. « On est déjà ici sur un volcan, les momens sont comptés, » écrivait le duc de Vicence le jour même de son arrivée. Le fait est que les grandes résolutions étaient arrêtées ;

  1. L’existence de ce traité, qui ne se trouve dans aucun recueil, résulte d’une protestation que M. de Metternich adressa, le 26 mai 1814, à lord Castlereagh pour réclamer l’exécution des clauses souscrites à Prague le 27 juillet 1813 et ratifiées à Londres le 23 août suivant. Metternich y donne une analyse très explicite et très précise des principales de ces clauses. Ce curieux document fut révélé pendant le congrès de Vienne a M. de Saint-Marson, plénipotentiaire de Sardaigne, qui en donna communication à son gouvernement. On en trouve le texte, copié aux archives de Turin, dans la belle et savante Histoire de la diplomatie européenne en Italie de M. Blanchi, t. Ier, Appendice, p. 333.