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routes simples étaient impraticables. » — « Nous avons dû, écrivait-il, établir notre système sur des nuances intermédiaires qui nous dispensaient à la fois de nous ranger en pure perte au nombre des ennemis de la France et de nous brouiller sans retour avec les puissances liguées contre elle. » L’extrême subtilité des moyens mis en œuvre par Metternich répondit à la complication du plan qu’il avait conçu.

Napoléon avait le regard trop pénétrant pour que « les nuances intermédiaires » de Metternich pussent le décevoir longtemps et lui dissimuler la véritable couleur de la politique autrichienne. Il n’y avait avec lui qu’un moyen de procédure : c’était un malentendu volontaire et concerté. Metternich n’hésita point à y recourir. Napoléon songeait non point à rompre son alliance avec l’Autriche, mais à l’étendre : il demandait 60,000 hommes au lieu des 30,000 que lui promettait le traité de 1812. Metternich répondit qu’il s’en tenait aux termes de ce traité, mais que « son unique préoccupation était d’utiliser au profit de la paix sa fidélité à la politique française. L’empereur Napoléon pouvait-il espérer de trouver un défenseur plus dévoué, plus chaleureux que l’empereur François ? » Il offrait donc l’entremise de l’Autriche, et il ajoutait que, « si la Russie et l’Angleterre étaient assez aveugles pour repousser ses propositions, alors l’Autriche n’hésiterait pas et elle embrasserait hautement la cause de la France. » Il allait sans dire que, pour présenter ces propositions à l’Angleterre et à la Russie, il fallait que l’Autriche connût les desseins de Napoléon. Metternich le pressait de se déclarer. « Parlez-nous franchement, disait-il au comte Otto le 3 janvier 1813 ; faites-nous connaître ce que vous voulez faire… Croyez que nous sommes pénétrés du sens de l’alliance et que nous pouvons vous rendre des services signalés. » Il résumait sa pensée dans une dépêche adressée, le 9 décembre 1812, à l’agent autrichien à Paris, M. de Floret : « L’Autriche parlant aux premières puissances de l’Europe ; l’Autriche tenant le langage de la paix à toutes, à la France celui d’un allié, et aux autres puissances celui de la plus entière indépendance’., » Napoléon s’était demandé un instant s’il ne chercherait pas à s’entendre avec la Russie : Talleyrand le lui conseillait ; il décida de s’en tenir à l’alliance autrichienne, et il accepta l’idée d’une entremise du gouvernement autrichien entre la France et les alliés ; mais, s’il se servait des mêmes mots que Metternich, il les entendait dans un tout autre sens, et, prenant à la lettre les propositions réitérées du ministre autrichien au comte Otto, il fit écrire le 7 janvier à ce diplomate par M. de Bassano : « Préalablement il doit être bien entendu que, dans le cas où les dispositions de l’empereur Alexandre rendraient cette démarche inutile, l’Autriche prend dès aujourd’hui