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une conversation qu’il a eue avec lord Loftus à Livadia, et le prince Gortchakof a déclaré une fois de plus les intentions pacifiques de la Russie. Il ne faut pas néanmoins se dissimuler que les conditions dont la Russie fait dépendre la paix peuvent conduire par le plus court chemin à la guerre. Il y a surtout deux choses des plus graves : le cabinet de Saint-Pétersbourg semble considérer dès ce moment les transactions de 1856 comme virtuellement abrogées, et la question d’un désarmement qui serait accompli dans la Bulgarie par une force étrangère ne soulève pas une difficulté moins épineuse. C’est à peu près quelque chose comme la paix par la guerre, et, si on en croyait les confidences faites par le général Ignatief à Constantinople, la Russie serait évidemment entraînée à trancher la question par les armes. Ira-t-elle jusque-là ? Entrera-t-elle dans la conférence avec le programme qu’elle a déjà divulgué et qui ne serait rien moins qu’une déchéance de la Turquie ?: Voilà désormais la question ! Tout ce qu’on peut désirer, c’est que la Russie se recueille et réfléchisse avant de se jeter dans une aventure où elle peut beaucoup, risquer sans pouvoir peut-être compter sur des avantages proportionnés aux efforts qu’elle serait obligée de faire.


CH. DE MAZADE.


Au moment même où nous achevions ces lignes, l’Académie française se disposait à tenir séance pour la réception de M. Charles Blanc, appelé à remplacer un de nos plus anciens et de nos plus chers collaborateurs, M. Louis de Carné. Nous venons d’entendre le discours de l’honorable récipiendaire ; si M. Charles Blanc était un politique, un critique littéraire, un historien des idées, nous aurions été bien surpris de ses appréciations sur la personne et les principes de son prédécesseur. Sans être absolument injuste, M. Charles Blanc a méconnu en bien des points essentiels les véritables sentimens de M. de Carné ; mais comment s’étonner de ces erreurs, quand on voit l’ingénieux auteur de la Grammaire des arts du dessin commettre de si étranges hérésies à propos de l’histoire de l’art ? Heureusement c’était un historien, M. Camille Rousset, qui était chargé de lui répondre. M. Rousset a rétabli la vérité et sur les sentimens politiques de M. Carné et sur le rôle des républiques dans l’histoire de l’art. La leçon a été vive, quoique très courtoise dans la forme. Ajoutons que le discours du récipiendaire, malgré les objections qu’il soulève, contient des parties brillantes, et que l’auteur a tenu évidemment à se montrer digne de ses deux parrains, M. Mignet et M. de Sacy.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.