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Les coupables aberrations de la politique de 1866 ont été absolument étrangères à la catastrophe qui en est la conséquence fatale et l’expiation. L’imprévoyance, l’incurie et la frivolité qui ont présidé à la préparation d’une guerre gigantesque ne sont pour rien dans les défaites attirées sur l’armée française ! Napoléon III lui-même était un grand général tout disposé à gagner des batailles ; il avait son plan, il a merveilleusement disposé sur la frontière les forces qu’il conduisait au combat : que voulez-vous ? C’est le pouvoir temporel qui a tout fait, c’est l’esprit clérical qui a empêché d’avoir des alliances ! L’esprit clérical peut être sans doute un conseiller peu sûr, même dangereux en politique. Cette explication des événemens n’est pas moins une mauvaise plaisanterie, faite tout au plus pour être goûtée par les radicaux, qui ont trouvé que ce prince avait du bon, puisqu’il flattait leurs passions. Le prince Napoléon ne s’est point montré, il est vrai, favorable à la séparation de l’église et de l’état, mais il a été, lui aussi, pour tout ce qui peut faire sentir l’aiguillon au clergé, pour les suppressions ou les restrictions de crédit, pour toute cette guerre poursuivie à l’abri du budget des cultes. Est-ce là sérieusement la politique à laquelle peuvent se rallier les esprits les plus sensés et les plus modérés de la gauche, ceux qui ont la pensée, la prétention fort légitime de faire une république régulière, durable, non une république de perpétuelles réactions et d’agitation ?

Ce n’est point sans doute le prince Napoléon qui peut travailler bien efficacement à relever les affaires de l’empire aujourd’hui. L’intervention d’un prince à l’humeur indépendante, à l’esprit indiscipliné, n’est qu’un incident bizarre, et rien de plus. Ce qui pourrait, bien mieux que les discours du prince Napoléon, préparer des chances nouvelles, désastreuses à l’empire, c’est cette politique d’aventure à laquelle on se laisse aller presque sans le vouloir ou sans en prévoir les conséquences ; c’est ce système d’action décousue qui consiste à tout remuer sans rien faire sérieusement, à inquiéter les esprits tantôt par l’amnistie, tantôt par des querelles religieuses, à multiplier les propositions excentriques ou saugrenues, à livrer les services publics dotés par le budget au hasard de discussions de parti. Voilà le danger !

Est-ce que les esprits réfléchis qui sont dans la chambre ne s’aperçoivent pas qu’avec tout cela on n’accrédite pas des institutions nouvelles, que tous ces procédés, ces turbulences de parlement, ces conflits provoqués entre les deux chambres, ces motions agitatrices, sont autant d’armes dont on se sert contre la république auprès du pays, auprès de cette masse simple et sensée qui n’est point à Versailles, qui vit de son travail et de son industrie ? Est-ce qu’ils ne voient pas que toutes ces questions qu’on soulève à tout propos sont justement une des causes de cette incohérence de majorité où les modérés, les sages, subissent l’influence des exaltés et des brouillons, se laissant emporter avec ceux-ci dans le tourbillon ? C’est pourtant visible. Depuis un mois