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LES DERNIERES ESPERANCES
DES
AMIS DE LA PAIX

S’il en faut croire les télégrammes de Berlin, M. de Bismarck n’a point dissimulé au marquis de Salisbury qu’il n’attendait rien de bon de la conférence qui va s’ouvrir à Constantinople, et sans contredit elle s’ouvrira sous des auspices peu rassurans. On fabrique des cartouches en Angleterre, la Russie mobilise six corps d’armée, et aux protestations pacifiques se mêlent des paroles de menace et de défi. A quoi bon conférer, si l’on est résolu à se battre ? Ne se réunirait-on à Constantinople que pour se donner le plaisir d’amuser un tapis vert ? — Un homme d’état disait l’autre jour que la guerre lui semblait inévitable, et il ajoutait que cette guerre serait la plus grande folie du XIXe siècle. — Cependant les gens doués de cette opiniâtreté dans l’espérance qui est le plus beau don que le ciel puisse accorder à un homme, persistent à croire qu’un arrangement est encore possible. Les gouvernemens désirent eux-mêmes qu’on n’interprète pas dans un sens trop sinistre leurs apprêts de guerre, et le journal de Saint-Pétersbourg a déclaré que a les arméniens de l’empire, loin d’être une menace pour la paix, étaient au contraire un sacrifice bien lourd que la Russie s’impose en vue d’assurer au monde, autant que cela dépend d’elle, les bienfaits de la paix. »

Malheureusement ces préparatifs militaires, qui sont un lourd sacrifice destiné à assurer au monde les bienfaits de la paix, sont bien propres à enflammer les passions dans un moment où il importerait de les calmer. « Tous les Russes, disait l’empereur Nicolas à lord Seymour, désirent une croisade chrétienne pour délivrer la mosquée de Sainte-Sophie. » A la vérité, il y a en Russie, même à Moscou, beaucoup d’hommes raisonnables qui redoutent pour l’avenir de leur pays les