maintenant ! semble-t-elle dire en montrant sa tête chauve et son cou ridé. Nous laissons la frivolité aux plus jeunes ! » Peut-être confond-elle la frivolité avec le respect de soi-même.
Arrive cette peste femelle, la Friseusinn, pour employer une ridicule désignation gallo-germaine. La Friseusinn joue dans les intérieurs allemands le même rôle que le barbier dans les opéras-comiques. Elle recueille et colporte les scandales, contribuant ainsi pour sa bonne part au bagage de niaiseries et de méchancetés qui se débite après midi sur le sofa ; mais enfin, grâce à elle, la chrysalide, devenue papillon, peut parader en visites, à la promenade, où s’échangent les complimens. Il est permis en Allemagne de s’extasier sur le choix d’une robe, d’en demander le prix, etc.. Nulle part on ne parle autant des chiffons en les comprenant moins. Ce n’est pas vanité, au contraire ; il y a dans cette préoccupation une méfiance de soi, une sorte d’humilité presque touchantes. La lecture attentive des journaux de modes français a-t-elle un résultat heureux ? Hélas ! non, car les combinaisons de formes et de couleurs sont adoptées indistinctement, sous prétexte que « cela se porte, » avec une ignorance complète de ce qui sied, tandis que toute innovation quelque peu originale et personnelle est repoussée avec crainte comme une excentricité qui provoquerait le blâme. La vie de la plupart des Allemandes est faite pour donner une importance exagérée aux infiniment petits, à ce que Goethe appelle die Gemeinheit des Lebens. Quels orages peut susciter dans les meilleures âmes l’apparition dans le Parc d’un chapeau inédit ! Cependant la propriétaire du chapeau se promène sous le regard admiratif des officiers, en songeant que peut-être une bonne fortune lui fera rencontrer ses princes ! Il faut voir, si son espérance se réalise, l’émotion, la béatitude de la loyale sujette et la révérence qui fait croire qu’elle va s’abîmer dans les entrailles de la terre 1 Son altesse peut être Barbe-Bleue si bon lui semble, scandaliser le monde par ses vices, n’importe, c’est le prince régnant ! On se prosterne avec une foi, une vénération aveugles !
La toilette du soir est le triomphe de l’Allemande ; elle fait valoir une opulente chevelure et ces blanches épaules que les demoiselles de la petite bourgeoisie aiment à exhiber même en plein jour : les cosmétiques, adoptés dans les hautes sphères, sont encore inconnus dans les classes moyennes, et l’aspect d’un bal est très-gracieux, très-brillant en Allemagne, bien que le luxe tel que nous l’entendons en soit banni. L’éclat et la variété des uniformes militaires prêtent à la plus petite réunion un air d’apparat et de cérémonie. Dans un pays où l’on est soldat bien avant d’être homme, l’uniforme est de rigueur naturellement, et les gens perdent beaucoup à en sortir ; cependant telle est l’inconséquence humaine que