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quelques sous, rapporte chez vous toutes vos acquisitions. La Botenfrau n’a pas moins de mérite que le Dienstmann. Passez-vous l’été dans les montagnes, à plusieurs lieues de la ville la plus proche, la Botenfrau vous offrira, sa hotte sur l’épaule, ses services ; vous lui remettez une liste de commissions, et le soir même vous la voyez revenir.

Mais c’est assez parler des gens de la maison et de leurs acolytes ; entrons dans la maison elle-même. Elle est divisée intérieurement par étages, avec une porte et un escalier communs à tous les locataires. Remarquez en passant l’état déplorable des ruisseaux, des égoûts, etc. Les précautions sanitaires sont négligées ; chaque maison recèle un foyer d’infection qui contribue pour sa large part aux ravages du typhus, ce mal terrible, presque périodique dans la plupart des villes allemandes ; peut-être est-il vrai, comme on le dit, qu’aucun moyen ne puisse faire de Berlin une ville salubre, mais il serait cependant facile de l’assainir un peu en éloignant certains amas de corruption qui, dans d’autres pays, sont invisibles au nom de l’hygiène et de la décence publiques.

Les appartemens des maisons de ville sont disposés à peu près comme en France, avec cette différence que sous les toits vous trouvez, outre les chambres de domestiques, des greniers à provisions, des Waschkammern pour la lessive et un séchoir commun où l’on étend le linge. Chaque locataire est supposé entretenir son étage.

Une petite plaque de porcelaine attachée au mur vous indique la demeure des personnes que vous cherchez. Vous voici introduit dans le salon, et tout d’abord c’est l’absence de meubles qui vous frappe. Cette nudité des appartemens, supportable en été, où les tapis, les rideaux épais ne sont qu’importuns, est l’hiver d’un aspect fort triste. Le poêle, quelques sièges, dans la fabrication desquels le bois joue un grand rôle, et, derrière une table, le cérémonieux sofa, voilà tout. Le sofa, c’est la place d’honneur : on la réserve à la personne la plus considérable de la société ; si une autre personne d’un rang supérieur encore survient pendant que celle-ci occupe le sofa, la première se lève et s’efface ; mais aussitôt la nouvelle venue sourit d’un air de condescendance : Bitte, Bitte (je vous prie). — Alors l’autre, apparemment blessée de ce que l’on puisse supposer qu’elle ignore les bienséances, reprend d’une voix presque lamentable : Aber, Excellenz ! — Cet assaut de politesse ne manque jamais de se produire et prend beaucoup de temps. Par bonheur, le café va venir, ainsi que l’annonce une serviette damassée posée sur la table, qui du reste ne supporte ni livres, ni journaux, aucun indice révélateur des goûts, des habitudes, des idées de vos hôtes ; le salon en Allemagne est déplorablement dénué