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Les descriptions, les portraits, les remarques justes et mordantes s’entremêlent dans ces essais, qui touchent aux détails les plus familiers de l’intérieur aussi bien qu’aux plus hautes questions sociales et religieuses, qui montent de la cuisine à l’église, qui passent de la toilette et de la nourriture à l’éducation, au mariage, etc. Il y a plus de méthode qu’on ne le croirait au premier aspect dans cette forme apparemment capricieuse ; aussi n’aurons-nous garde de nous en écarter dans le résumé qui va suivre.


I

Sur le seuil de la maison allemande où nous introduit l’auteur de German home life se trouvent groupés les serviteurs, avec lesquels nous ferons d’abord connaissance. Les domestiques allemands n’apportent dans leur service ni l’empressement français, ni la ponctualité anglaise. Bien que beaucoup plus cultivés, au point de vue intellectuel, que ne le sont ailleurs les gens de la même classe, puisque en Allemagne l’instruction est obligatoire, ils restent lourds et grossiers, se distinguent souvent par une malpropreté incorrigible, et, obstinément attachés aux vieilles coutumes, n’ont ni aptitude, ni bonne volonté pour rien apprendre de nouveau. C’est qu’il y a une grande différence entre l’instruction et l’éducation, et que le peuple du monde qui affiche la plus haute supériorité en matière de sciences a mérité de la part d’un voyageur ce jugement terrible : « J’ai vu dans mainte contrée, tant de l’Orient que de l’Occident, des paysans dont les manières étaient jusqu’à un certain point irréprochables, mais je déclare que les gens les plus mal élevés de toute l’Europe et peut-être du monde entier sont les Prussiens. »

Dans la plupart des intérieurs allemands de la bourgeoisie, il n’y a jamais qu’une servante, à moins que la venue d’un enfant n’exige la présence supplémentaire de la nourrice. Par conséquent, la maîtresse de la maison est obligée de vaquer elle-même à une bonne partie des soins du ménage ; or cette habitude, respectable en elle-même, engendre certains résultats fâcheux ; elle établit entre la dame et la servante une sorte d’intimité d’où découle fatalement le goût du commérage, ce défaut misérable de la femme allemande, celui qui plus que tout le reste contribue à ôter de la noblesse à son caractère et de la distinction à ses allures. Peut-être est-ce un mal nécessaire. Si la maîtresse ne passait pas la meilleure partie de son temps à la cuisine, la servante allemande ne se ferait aucun scrupule de la voler, persuadée qu’elle est trop riche pour se soucier de cette bagatelle, ou trop stupide pour s’en apercevoir. Dans les maisons plus opulentes, il est indispensable que la dame se fasse remplacer par une de ces femmes de charge qu’en Allemagne on