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ne vînt se heurter contre les réclamations du corps des hôpitaux. Pris individuellement, chaque médecin est bien d’avis qu’il est nécessaire de créer des salles d’isolement pour les maladies contagieuses, mais bien peu voudraient peut-être consacrer exclusivement leur habileté et leur expérience au soin d’une seule affection. Ils invoqueraient aussi les intérêts de l’enseignement clinique et feraient valoir les inconvéniens qu’il y aurait, pour les élèves attachés au service d’un médecin, à n’étudier sur le vif qu’une seule maladie. L’objection a sa valeur sans doute, mais est-il admissible cependant qu’on laisse mourir les uns pour enseigner à mieux soigner les autres, et ne serait-ce pas le cas de rappeler cette boutade d’un praticien sceptique : « que les hôpitaux sont faits pour les malades et non pour les médecins ? » Ces résistances, qu’il est permis de prévoir, ne laisseraient pas cependant d’embarrasser l’administration, d’autant que la science étant flexible, on verrait probablement reparaître certaines théories abandonnées sur l’inconvénient de la concentration des maladies contagieuses et sur l’aggravation qui en résulte dans l’état des malades, théories qui aujourd’hui paraissent avoir fait leur temps. Quelles que soient au reste les difficultés de la question, il faut qu’on trouve moyen de la résoudre, car la situation actuelle n’est pas digne d’une administration hospitalière aussi intelligente que la nôtre. Il n’est pas admissible qu’une mère confie son enfant à l’hôpital pour le guérir de la rougeole, et que l’hôpital lui donne le croup. Dans une prochaine étude, j’établirai quelques points de comparaison entre l’organisation des hôpitaux de Paris et celle des hôpitaux de Londres, et de cette comparaison résultera, je crois, l’impression que, contrairement à une opinion généralement reçue, l’organisation de notre assistance médicale n’a pas à redouter la comparaison avec celle de l’Angleterre ; mais je dois dire à l’avance que nous restons bien loin en arrière sous le rapport des précautions prises pour prévenir le développement des maladies contagieuses, et que nos voisins s’étonnent à bon droit de l’espèce de résignation avec laquelle l’administration et le corps médical envisagent chez nous un état de choses dont les inconvéniens ne sont plus contestés par personne. Il est donc grand temps qu’une volonté ferme s’empare de la question et trouve moyen de la résoudre en mettant d’accord les convenances des médecins, les nécessités de l’enseignement clinique et l’intérêt supérieur des petits malades.


OTHENIN D’HAUSSONVILLE.