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qu’il a produite à la cour. A-t-il plu à la reine ? Le prince est-il satisfait de lui ? C’est son vœu le plus cher. En tout ce qui ne touche pas à ses convictions politiques, en tout ce qui ne serait pas un démenti à ses principes, il est aux ordres de la reine et du prince. Ainsi donc, que la reine ne s’inquiète pas de ce changement d’administration, que le prince ne croie pas avoir à se défier des nouveaux ministres :

Cessez de vous troubler, vous n’êtes point trahis,
Quand vous commanderez, vous serez obéis.


Un mot, un signe, ce sera bien assez ; il comprendra tout, il ira au-devant des plus secrètes pensées. À qui donc sir Robert fait-il ces ouvertures ? À un de ses amis, lord Liverpool, qui est chargé de les transmettre à Stockmar. Lord Liverpool était le frère du premier ministre que nous avons vu activement mêlé aux affaires de la princesse de Galles, au projet de mariage de la princesse Charlotte, et qui, après avoir si longtemps gouverné l’Angleterre pendant les crises les plus menaçantes, était mort en 1828. Ce second Liverpool, l’ami et le confident de sir Robert Peel, était un tory modéré, aimable, intelligent, parfaitement galant homme et digne de toute confiance. Voici la lettre qu’il écrivait à Stockmar le 7 octobre 1841 :


« Mon cher baron,

« Peel m’a fait appeler ce matin. Après une conversation générale sur des affaires concernant la cour, il me dit que ses rapports avec sa majesté lui avaient procuré dernièrement, et la veille en particulier, une grande satisfaction. Il me demanda si j’avais vu hier sa majesté ou le prince et s’ils étaient contens de lui. Je lui répondis que je n’avais vu sa majesté que dans le cercle de sa cour, et le prince qu’un seul instant dans la chambre de sa majesté, mais que je devais cette occasion de lui parler de vous, ayant appris hier de votre bouche que la reine et le prince étaient contens de lui, — de lui sir Robert Peel, — d’une façon tout à fait extraordinaire. J’ajoutai que je vous connaissais depuis bien longtemps, mais que nos relations intimes avaient commencé lorsque le roi Léopold vous avait envoyé en Angleterre, peu de temps avant l’avènement de la reine. À cette date s’était formé notre premier lien, et depuis ce jour tout n’avait fait qu’accroître notre considération mutuelle, notre affectueuse intimité. Je lui dis que votre situation était toute particulière, qu’on pouvait vous considérer en vérité comme le second père de la reine et du prince. Votre but unique était leur bonheur, votre unique ambition le désir de les servir efficacement. C’est dans ce sentiment que vous aviez établi des rapports intimes avec lord Melbourne ; je lui exprimai le vœu que la même chose eût lieu avec